Un arrêt récent a mis fin à plus de trois années de procédure sur une question qui faisait encore la une de l’actualité jusque récemment. Stéphane P a acheté un DVD « Mulholland Drive » qu’il souhaite pouvoir copier sur cassette VHS pour visionner le film chez ses parents. Malheureusement, le DVD est protégé par un système anti-copie empêchant toute reproduction de l’oeuvre cinématographique.
De là naît la célèbre affaire Mulholland Drive. Stéphane P assigne les sociétés productrices et distributrices du film sur le fondement de la violation de l’exception pour copie privée et défaut d’information sur la mesure de protection anti-copie.
Ayant reçu plusieurs plaintes de consommateurs sur le même problème, l’UFC Que Choisir (l’UFC) se joint à l’instance. En première instance, les demandeurs sont débouté de leur demande et sont même condamnés. Le Tribunal de Grande Instance précise en premier lieu que la copie privée constitue une exception limitant le droit d’auteur et les droits voisins qui, de ce fait, doit être précisément circonscrite. Cette exception n’a aucun caractère impératif. Selon la Directive communautaire du 21 Mai 2001 (pas encore en vigueur en France au moment de la décision), la reproduction d’une oeuvre (ou copie privée) doit être limitée à « certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit » (Article 5 5) Directive Communautaire n°2001/29 du 22 Mai 2001).
Pour conclure à la condamnation de Stéphane P et l’UFC, le tribunal considère que l’exploitation d’un film sous la forme de DVD est un mode d’exploitation normale des oeuvres audiovisuelles.
Qu’ainsi la copie d’un film sur support numérique porte atteinte à cette exploitation normale de l’oeuvre. De plus, cette atteinte est nécessairement grave puis qu’elle touche à un mode d’exploitation « indispensable à l’amortissement des coûts de production » d’une telle oeuvre. Le Tribunal ajoute que la perception d’une rémunération pour copie privée sur les supports vierges n’a aucune incidence. Enfin, en ce qui concerne le droit à l’information du consommateur sur la présence du système anti-copie, le tribunal considère que l’impossibilité de reproduire le DVD ne constitue pas une caractéristique essentielle du produit donc le distributeur du DVD n’a aucune obligation d’en informer les consommateurs sur la jaquette. Après appel de Stéphane P et l’UFC à l’encontre de cette décision, la Cour d’Appel de Paris réforme le jugement.
Tout comme en première instance, la Cour d’Appel rappelle qu’il n’existe pas de droit absolu à la copie privée.
Il s’agit uniquement d’une exception légale au droit d’auteur qui ne peut être limitée qu’aux conditions précisées par la Loi. Or, la législation française ne limite pas la copie privée à un support déterminé ou à partir d’un support déterminé.
Là où l’analyse de la Cour d’Appel diffère de celle du Tribunal de Première Instance réside dans l’appréciation des critères limitant la copie privée. En effet, la Cour considère que le DVD constitue bien un mode d’exploitation normale d’une oeuvre mais qu’il n’y a pas d’atteinte illégitime à cette exploitation ni de préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire des droits. Pourquoi ?
Parce que Stéphane P n’aurait peut-être pas acheté un second original du seul fait de l’impossibilité de réaliser une copie, copie qui, de plus, restait destinée à un cadre familial ; et la rémunération pour copie privée fixée sur les supports vierges est fonction de la qualité de reproduction que le support permet. Autre point de discorde entre les premiers juges et la Cour d’Appel : l’impossibilité de réaliser une copie du DVD constitue une faute des distributeurs et producteurs du DVD pour défaut d’information.
L’affaire est portée devant la Cour de Cassation qui casse l’arrêt d’appel au motif suivant : pour apprécier l’atteinte à l’exploitation normale d’une oeuvre, il convient de prendre en compte les « risques inhérents au nouvel environnement numérique » et l’importance économique de l’exploitation d’une oeuvre sous la forme d’un DVD pour amortir les coûts de production de la production cinématographique.
L’affaire est renvoyée devant la Cour d’Appel qui va rapidement éluder la question épineuse de la copie privée en déclarant les parties irrecevables en leurs prétentions. L’UFC a agit en qualité de partie principale alors qu’elle aurait dû le faire en tant que partie subsidiaire.
En ce qui concerne Stéphane P, la Cour rappelle que la copie privée est une exception au droit d’auteur et non un droit.
Or, il est impossible d’agir en justice si l’on n’a pas de droit. Par conséquent, la copie privée ne peut être invoquée qu’en tant que moyen de défense dans le cadre d’une procédure en contrefaçon. Stéphane P est donc irrecevable en ce qui concerne la copie privée. Pour ce qui est de l’action pour défaut d’information sur le système anti-copie, elle est recevable mais rejetée.
Il n’y a pas de défaut d’information du consommateur car l’absence d’une mention indiquant l’impossibilité d’effectuer une copie privée n’est pas une caractéristique essentielle du produit. Au vu ce cette jurisprudence, beaucoup s’interrogeront sur l’avenir de la copie privée si tout détenteur de droit détient la possibilité de l’anéantir.
D’autres accueilleront au contraire ce juste retour des choses au bénéfice des titulaires de droits que notre société de consommation arrive aisément à malmener.
A chacun son opinion¦ Lucie DAMBREVILLE Juriste PI Tribunal de Grande Instance de Paris, 3ème Chambre, 2ème Section, 30 Avril 2004 “ Stéphane P., UFC Que Choisir c/ Société Films Alain Sarde et autres Cour d’Appel de Paris, 4ème Chambre, Section B, 22 Avril 2005 “ Stéphane P., UFC Que Choisir c/ Universal Pictures Vidéo France et autres Cour de Cassation, Première Chambre Civile, 28 Février 2006 “ Studio Canal, Universal Pictures Vidéo France c/UFC Que Choisir, Stéphane X Cour d’Appel de Paris, 4ème Chambre, Section A, 4 Avril 2007 “ UFC Que Choisir, Stéphane P. c/ Films Alain Sarde et autres