La société Médiamétrie bouleverse la pratique des marques sur internet pour les groupes de médias audiovisuels et interactifs, par son nouveau système de mesure d’audience !
Jusqu’alors, les groupes de média français pouvaient cumuler les audiences réalisées sur chacun des sites gérés par le groupe, et ce même s’ils appartenaient à des filiales différentes, évoluaient sous des marques différentes et présentaient un contenu différent. Ce système permettait aux groupes de « gonfler » l’audience pour attirer les annonceurs et présentait donc un réel avantage économique.
Mais depuis le 1e décembre 2013, un tel cumul de sites ne pourra se faire qu’à condition que les différents sites concernés apparaissent clairement comme appartenant au même groupe. En effet, Médiamétrie, prenant très à cœur la fonction d’identité d’origine des marques, souhaite que l’internaute sache toujours dans quel univers de marque il se situe.
Ainsi, le « Monde » ne peut plus agréger ni le Huffington Post, ni « Courrier International » ; « L’Express » ne pourra plus comptabiliser ses titres « L’Expansion », « Votre argent », « L’Entreprise » et « L’Etudiant » ; « Femme Actuelle » ne peut plus compter sur « Enfant », « MaTVPratique », « Prima », et « Hellocotton » etc.
Pour pouvoir continuer à cumuler les audiences, Médiamétrie impose aux groupes de médias de recourir à l’usage de la marque ombrelle qui impacte donc la portée des marques produits ainsi abritées.
Ainsi par exemple, pour pouvoir conserver dans son score d’audience internet les chiffres de Rue 89, qui lui apporte un quart de son trafic, le Nouvel Observateur a fait passer Rue 89 aux couleurs du news-magazine : le logo du Nouvel Observateur s’affiche en haut de page de Rue 89 suivi de la mention « partenaire Rue 89 » et l’adresse Rue89.com a été remplacée par « rue89.nouvelobs.com ». Médiamétrie ne se satisfait en effet plus de la mention « Rue 89 – partenaire du Nouvel Observateur ».
Le nom du groupe doit désormais apparaître clairement en première position !
A la suite de ces changements particulièrement impactant sur la valeur de la marque abritée, les employés de Rue 89 se sont mis en grève pendant quelques jours. En outre, plusieurs groupes de presse ont demandé un rendez-vous à Médiamétrie pour protester contre ses nouvelles règles de mesures d’audience internet.
En effet, au-delà des conséquences économiques évidentes, il y a là un véritable enjeu quant à la valorisation et à la gestion des marques concernées : tant pour les marques abritées, qui sont relayées au second plan et pourraient être amenées à disparaître en fonction des politiques des sociétés mères, que pour les marques ombrelles qui apparaitront au premier plan sur l’ensemble des sites du groupe, sans distinction de contenu et de forme !
Prenons notamment le cas de Rue 89 qui a dû modifier totalement sa charte graphique pour coller aux exigences de la marque ombrelle Nouvel Obs. C’est l’identité de Rue 89 qui se perd pour répondre aux exigences de Médiamétrie.
Par ailleurs, la pratique de la marque ombrelle comporte des risques pour le groupe car si chaque produit « abrité » profite de la notoriété de la marque ombrelle, à l’inverse, tout problème affectant l’un des produits commercialisés sous cette marque ombrelle se propage à cette dernière.
En outre, un tel usage de la marque ombrelle pourrait alors être considéré comme un simple usage à titre de dénomination sociale, ne validant pas la marque enregistrée, à l’instar de la première partie de la récente jurisprudence venteprivée.com. Il existe donc un risque de glissement de la marque vers la dénomination sociale qui pourrait poser des difficultés.
Sans parler des conflits qui peuvent exister entre la société mère et une société tierce qui pourraient empêcher l’apposition de la marque ombrelle en pratique !
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si Médiamétrie a bien pensé aux impacts de sa décision, quant à la notoriété et la valorisation des marques concernées ?? Chaque groupe de média doit peser avec attention les avantages et les risques en termes d’image et de valorisation des marques notamment, quitte à perdre un certain nombre d’audiences…