Dans de nombreux secteurs d’activité, le travail du marketing, tant en agence qu’en interne, se portera naturellement sur les décors d’emballage du produit mais aussi sur la forme de son contenant lui-même. C’est le cas par exemple dans le domaine alimentaire et nécessairement lorsque le produit est liquide puisque le contenant (pot, bouteille, flacon, gourde …) donne lui-même sa « forme » au produit tel qu’il est présenté lors de l’acte d’achat. Cela s’applique également au secteur de la parfumerie, mais aussi des cosmétiques, produits ménagers, etc. En dehors des dessins et modèles dont la protection est limitée dans le temps, la marque, indéfiniment renouvelable, donne la possibilité de protéger la forme bidimensionnelle ou tridimensionnelle d’un produit. C’est bien, par exemple, la protection dont bénéficient : la forme de la bouteille rouge Badoit , celle du flacon de parfum Lolita Lempicka
celle du spray solaire Nivea
Pourtant, des marques constituées de la forme du produit ou de son contenant sont régulièrement refusées au niveau européen. Il est vrai que le critère de distinctivité, nécessaire à tout type de marque, est plus difficile à remplir lorsque l’on veut protéger une forme. Pour quelle raisons ? parce que l’on considère généralement que le public n’est pas spécialement habitué à reconnaître un produit par sa forme mais plutôt par son nom ou un logo. C’est ce qu’a encore rappelé le Tribunal de l’UE au sujet de la forme d’une bouteille d’huile d’olive dont l’enregistrement à titre de marque a été refusé en avril dernier (voir http://curia.europa.eu/juris/document/document_print.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30d670ed5eee40834b4bbbfea9119ac27abc.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxuOax90?doclang=FR&text=&pageIndex=0&part=1&mode=DOC&docid=150866&occ=first&dir=&cid=247715). La demande portait sur cette représentation, déposée pour de l’huile d’olive comestible,
qui a été refusée car :
- La forme de la bouteille elle-même a été jugée relativement courante et banale dans le secteur concerné
- La couleur verte utilisée serait perçue comme une référence à la couleur des olives et donc de l’huile d’olive ici concernée et une couleur foncée est nécessaire pour la bonne conservation du produit
- La mention Olive line et les éléments graphiques, représentant un cercle contenant des feuilles et une olive, auraient une fonction purement décorative et feraient directement référence au produit
- Dans l’ensemble, l’accumulation de ces éléments ne permettrait pas de distinguer la bouteille de celles existant sur le marché.
Mais alors avec quel état d’esprit le marketing devrait-il travailler la forme du produit pour que celle-ci puisse être valorisée ? La difficulté est que la forme concernée doit permettre au consommateur lambda du produit de le reconnaître parmi ceux de ces concurrents, sans qu’il ait besoin d’une mémoire ou d’une réflexion particulière. Vu le nombres de refus sur ce type de marques, on peut donc dégager ces grandes lignes de la jurisprudence communautaire. Ainsi le créatif devra chercher à designer un contenant dont la forme dans son ensemble :
- Ne devra pas être dictée par la fonction du produit, mais uniquement par l’apparence : donc ses caractéristiques spécifiques ne doivent pas être fonctionnelles, en d’autres termes… utiles ;
- Devra s’éloigner au maximum de celle que prendrait le plus probablement le produit : elle doit diverger de la norme et des habitudes du secteur concerné, être inhabituelle ;
- Devra être remarquable et donc facilement mémorisable par le public concerné : elle doit être capable de marquer immédiatement les esprits.
Les créatifs doivent donc avoir une connaissance pointue du marché avant de commencer à travailler. Ce savoir peut aussi très utilement être aiguisé et mis à jour par des piges en linéaires, veilles concurrentielles ou études de marché qui pourront d’ailleurs être des éléments de preuve déterminants s’il était besoin d’argumenter sur le plan juridique pour obtenir l’enregistrement de la marque. Il faudra aussi, d’autant plus si la prestation de création est externalisée, bien s’assurer d’être propriétaire des droits d’auteur (car il y aura le plus souvent originalité) et des conditions d’exploitation autorisées, qui dans l’idéal prévoiront clairement le droit de déposer une marque.
Charlotte URMAN, Conseil en propriété Industrielle, Responsable d’Inlex IP Expertise sur la Côte d’Azur.