Volet 2 – Acquisition du caractère distinctif : des moyens de preuves plus simples pour les sociétés
Quels sont les situations immédiatement concernées par ce volet de la réforme ?
- Ma société exploite une marque qui décrit en partie l’activité de ma société (Exemple : FRANCE TELECOM)
- J’hésite à attaquer des tiers car je crains que ma marque ne soit attaquée en nullité pour manque de distinctivité
- J’ai reçu plusieurs alertes (mauvaises décisions de justice, décisions administratives notamment), qui me laissent penser que ma marque est faible juridiquement
- J’ai dû redéposer ma marque avec un logo suite à un refus de l’INPI ou l’OHMI
Rappel du principe de l’acquisition de caractère distinctif par l’usage
L’une des principales conditions pour déposer une marque est de prouver l’existence de son caractère distinctif. En effet la fonction première d’une marque est permettre à une société de différencier ses produits ou offres de services de ceux de ses concurrents. Il existe schématiquement deux niveaux de distinctivité, les marques très distinctives (les mots inventés tels que Google) et les marques faiblement distinctives (elles font indirectement référence au produit EUROSPORT).
Les marques faiblement distinctives sont souvent privilégiées par les Entreprises car elles sont plus simples à installer sur un marché. Il est cependant fréquent pour ces marques, d’être confrontées à des actions en nullité de la part de tiers, qui considère que le déposant cherche à monopoliser une expression, un nom absolument nécessaire aux acteurs du secteur économique concerné pour vendre leurs produits.
Certains cas ont défrayé la chronique en 2015, telles que les marques RENT A CAR (pour les services de location de voiture) ou SE LOGER.com (pour les services en lien avec le domaine de l’immobilier et du logement) qui ont été tout simplement annulées !
L’un des moyen de défense du propriétaire de marque qui subit ces attaques, est de revendiquer, l’acquisition du caractère distinctif par l’usage, prévu par le Code de Propriété Intellectuelle (article 711-2) : en résumé, l’on reconnait que la marque au jour du dépôt n’était pas très originale mais l’on va montrer au Juge qu’avec le temps, la marque a acquis un vrai pouvoir distinctif.
L’interprétation de cet article a fait l’objet de controverses dans de récents arrêts en particulier sur le jour auquel doit être apprécié l’existence ou non du fameux caractère distinctif.
La question controversée du moment de l’appréciation
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris VENTE-PRIVEE.COM du 31 mars 2015 a ainsi considéré que si à la date de son dépôt, la marque verbale française VENTE-PRIVEE.COM était dépourvue de caractère distinctif, au jour de la demande en nullité elle avait indéniablement acquis par l’usage un caractère distinctif au regard des services précités.
A l’inverse, un arrêt du Tribunal de grande instance de Paris AVANTAGES SAS vs Franck B et FAMILIB SARL du 6 novembre 2014 a considéré que le caractère distinctif doit être apprécié au jour du dépôt de la marque. Une même appréciation a d’ailleurs été retenue dans le cadre de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 14 octobre 2014 qui a apprécié l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de la marque SE LOGER.COM au jour du dépôt en considérant que « au moment de son dépôt, la marque SE LOGER.COM avait déjà acquis par l’usage un caractère distinctif au regard des produits et services relevant des affaires immobilières ».
Cette controverse résultait à la fois du manque de précision dans la rédaction de l’article L.711 (dernier alinéa) du code de propriété intellectuelle ainsi que de la rédaction de l’article 3 de la directive sur la marque communautaire du 22 octobre 2008.
Cet article prévoyait en effet que « une marque n’est pas refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, n’est pas susceptible d’être déclarée nulle […] si, avant la date de la demande d’enregistrement et après l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. En outre, les Etats membres peuvent prévoir que la présente disposition s’applique également lorsque le caractère distinctif a été acquis après la demande d’enregistrement ou après l’enregistrement ».
La directive de 2008 posait ainsi comme principe que cette acquisition du caractère distinctif devait être appréciée au jour du dépôt mais laissait la possibilité aux Etats Membres de se placer après le dépôt pour procéder à cette appréciation.
L’arrêt du TGI de Paris du 6 novembre 2014 avait néanmoins fait une interprétation stricte de cet article en considérant que l’article L711-2 du CPI est « la stricte transposition de ce principe et non l’affirmation de son exception en l’absence de précision sur le domaine temporel de l’acquisition par l’usage ».
Dès lors, faute de disposition légale dans le droit français prévoyant expressément l’acquisition du caractère distinctif par un usage postérieur au dépôt, toutes les pièces postérieures au dépôt destinées à prouver l’acquisition par l’usage de ce caractère distinctif avaient été jugées sans pertinence probatoire.
Nous étions donc dans un flou législatif sur le moment à partir duquel doit être apprécié l’acquisition du caractère distinctif par l’usage en droit français.
Des réponses données par la réforme
L’article 4 paragraphe 4, reprend le principe selon lequel « une marque n’est pas refusée à l’enregistrement […] si, avant la date de la demande d’enregistrement et à la suite de l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. Il est néanmoins précisé au sein de cet article qu’ « une marque n’est pas déclarée nulle pour les même motifs si, avant la date de la demande en nullité et à la suite de l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif.
La nouvelle directive indique ainsi de manière non équivoque que l’acquisition du caractère distinctif par l’usage peut s’apprécier après le dépôt.
Les dispositions du droit français devant être interprétées à la lumière de la directive, on peut donc en conclure qu’une décision équivalente à celle retenue dans l’arrêt AVANTAGES SAS vs Franck B et FAMILIB SARL ne pourra plus être rendue, les preuves de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage postérieures au dépôt ne pouvant plus être écartées de ce seul fait.
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Si vous vous reconnaissez dans les situations concernées par la Réforme, les équipes d’INLEX sont à votre entière disposition pour vous accompagner dans la consolidation de vos droits de marques.
Elodie ROCHOUX – Inlex IP Expertise