Nouvelle OCM vitivinicole : On ne touche toujours pas au Champagne.

Comment peut-on encore aujourd’hui en Europe penser pouvoir utiliser le terme « Champagne » pour désigner autre chose que des vins effervescents provenant de la fameuse Appellation d’Origine française ?

C’est la question que l’on se pose au regard d’une nouvelle décision de justice, cette fois du Tribunal de La Haie du 8 octobre 2010 (Section civile, référé) dans une affaire qui oppose le Comité Interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC) à la société UNILEVER NEDERLAND B.V.

La société UNILEVER, pour fêter l’anniversaire de l’une de ses marques de shampoing a créée une série spéciale intitulée « Shampoing Champagne », orné d’une collerette dorée en référence aux bouteilles traditionnelles de Champagne.

Ce lancement a été accompagné de spots télévisuels comportant des personnages avec des verres de Champagne à la main, des publicités dans des journaux et par des affichages publicitaires accompagnés du claim « Le shampoing Champagne tous les jours ».

Le 2 août 2010, le CIVC à sommé UNILEVER de cesser toute référence à l’Appellation d’Origine Champagne.

En l’absence de réaction suffisante d’UNILEVER, le CIVC a assigné celle-ci en référé en se fondant sur l’article 118 quaterdecies du règlement communautaire (CE) 491/2009 (Modifiant l’OCM 1234/2007).

Cet article protège en effet les vins bénéficiant d’une Appellation d’Origine Protégée contre « toute utilisation commerciale directe ou indirecte », dans la mesure où « ladite utilisation exploite la réputation » de celle-ci.

En l’espèce, l’utilisation du terme même « Champagne » accompagnée de packagings et de publicités évocatrices de ce produit et de sa consommation constitue sans aucun doute une exploitation commerciale indirecte visant à exploiter la réputation de l’AOP Champagne.

En définitive, le tribunal de La Haie condamne lourdement la société UNILEVER puisque celle-ci doit notamment :

  • Cesser immédiatement la commercialisation du produit litigieux (Avec astreinte de 5000 € par jour).
  • Rappeler tous les produits litigieux déjà sur le marché (sauf ceux achetés par le consommateur final) en utilisant un courrier à adresser à ses distributeurs dans lequel UNILEVER reconnaît expressément avoir utilisé « abusivement » de l’Appellation Champagne
  • Rembourser 25000 € au CIVC au titre des frais de procédure

L’Appellation Champagne bénéficiait déjà dans plusieurs pays européens d’un niveau de protection jurisprudentiel très important en raison notamment de sa très grande notoriété.

Cette décision nous montre que la nouvelle OCM vitivinicole a intégré cette tendance dans la loi en interdisant expressément le fait d’exploiter la réputation d’une Appellation protégée directement ou indirectement.

Bien que la notion de « réputation » d’une indication géographique n’ait pas encore été clairement délimitée, on peut raisonnablement penser que ce texte pourra bénéficier à un plus grand nombre d’indications géographiques, qui ne bénéficient pas forcément d’une réputation aussi exceptionnelle que celle du Champagne.

NB

Le CIVC a demandé un remboursement intégral de ses frais de procédure en s’appuyant sur l’article 14 de la directive relative aux droits de propriété intellectuelle (Directive 2004/48/CE).

De manière assez surprenante, UNILEVER a contesté le fait que les Appellations d’Origine Protégée relevaient des droits de propriété intellectuelle alors que les indications géographiques dans leur ensemble font partie du traité ADPIC, ratifié par l’Union Européenne (article 1 al 2 et articles 22 et suivants pour les vins et alcools) et appartiennent donc bien à ce titre à cette catégorie.

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