Nouvelle loi chinoise sur les marques : d’imperceptibles changements majeurs

Une nouvelle loi, très attendue, sur les marques en Chine est entrée en vigueur le 1er mai 2014.  Nous avons tenté d’en décrypter les éléments essentiels et la portée pratique de ces changements tant au niveau de la  procédure de dépôt que des nouvelles sanctions prévues à l’encontre des actes de contrefaçon et également de la reconnaissance du caractère notoire des marques.

Entré en vigueur depuis le 1er mai 2014, le troisième amendement à la loi chinoise sur les marques est la réforme la plus importante du droit chinois des marques depuis 2001.
Mais alors quels sont ces changements ?
Quels impacts sur les nouveaux dépôts et les procédures?

Voici un décryptage des principales évolutions ainsi qu’un point relatif à l’appréhension des marques notoires en Chine, passé inaperçu mais dont l’impact n’est pas négligeable.

1/ Décryptage des principales évolutions

a)      Sur la procédure d’enregistrement

Les signes sonores (ainsi que d’autres signes non traditionnels) peuvent être enregistrés en tant que marques en Chine. L’Office Chinois des Marques ne pose plus comme condition à l’enregistrement que la marque puisse être perçue visuellement mais uniquement qu’elle soit pourvue d’un caractère distinctif.

Sur ce point, on constate un alignement des pratiques de l’Office chinois sur les pratiques de la plupart des Offices à travers le monde. Point d’innovation surprenante en admettant par exemple à l’enregistrement les tant controversées marques olfactives !

Autre évolution importante, les dépôts multi-classes sont désormais acceptés par l’Office !

Une évolution très attendue mais dont l’intérêt pour les déposants reste somme toute à relativiser dans la mesure où les tarifs de l’Office chinois n’ont pas été forfaitisés, aussi un dépôt multi-classes a un coût quasiment équivalent à plusieurs dépôts mono-classes simultanés.

Le second bémol de ces dépôts multi-classes dû notamment à l’examen de fond pratiqué par l’Office, est le risque de voir cité à l’encontre d’un dépôt multi-classes un nombre plus important d’antériorités relevant donc des différentes classes couvertes par ledit dépôt.

A ce titre, si certaines classes visées au dépôt ne font pas l’objet d’un refus de l’Office, il sera possible, moyennant le paiement d’une taxe, d’obtenir l’enregistrement partiel du dépôt pour ces classes sans avoir à attendre la décision finale de la chambre des recours sur les  autres classes du dépôt qui auraient fait l’objet d’un refus.

Enfin, dans le cadre d’une procédure d’opposition, si l’Office décide d’accorder l’enregistrement de la marque, l’opposant ne pourra pas faire appel de la décision. Il pourra cependant intenter une action devant le Comité de Révision et de Vérification des Marques (CRVM) aux fins d’obtenir l’annulation dudit enregistrement.

b)      Le critère de bonne foi des déposants

L’Office refusera désormais l’enregistrement d’une marque identique ou similaire à une marque antérieure non enregistrée utilisée pour des produits ou services identiques ou similaires, lorsque le déposant a connaissance de l’existence d’une telle marque en raison de ses relations contractuelles, d’affaires ou autres avec le propriétaire de la marque antérieure, à la condition qu’une opposition à la demande d’enregistrement soit formulée par ce dernier.

Si un mandataire chargé de l’enregistrement d’une marque, a connaissance, ou devrait avoir connaissance, que la demande d’enregistrement formulée au nom de son client porte atteinte aux droits d’un titulaire de marque, ou à d’autres droits antérieurs, il devra refuser le mandat. Dans la négative, sa responsabilité civile et/ou pénale pourra être engagée.

La mauvaise foi est le critère qui a souvent été mis en avant lors de procédures initiées par les titulaires légitimes de marques victimes de dépôts manifestement frauduleux en Chine. La mise en œuvre et la reconnaissance de ce critère par l’Office ou les instances judiciaires chinoises étaient plutôt aléatoires.

On ne peut que saluer cette avancée législative mais reste dorénavant à apprécier l’application concrète de ce critère dans la pratique des différentes instances concernées.

c)       Sur la contrefaçon

La nouvelle loi comporte une clarification des conditions de l’existence d’actes de contrefaçon en cas d’usage sans autorisation d’un signe similaire à une marque antérieure enregistrée pour des produits ou services identiques ou similaires. Cet usage doit cependant entraîner un risque de confusion.

Les autorités chinoises ont souhaité ajouté un nouvel acte constitutif de contrefaçon de marque : celui consistant à faciliter volontairement un acte de contrefaçon commis par un tiers. En d’autres termes, la complicité !

L’utilisation sans autorisation d’une marque enregistrée ou d’une marque notoire non-enregistrée en tant que nom commercial constitue quant à lui un acte de concurrence déloyale

En outre, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi, la sanction de la contrefaçon n’avait rien de très clair ni de très dissuasif. La loi a donc prévu un renforcement des sanctions de la contrefaçon de marques.

Aujourd’hui les contrefacteurs peuvent écoper d’une amende allant jusqu’à un maximum de 250 000 Yuan (environ 30 000€) et peuvent être amenés à verser des dommages-intérêts jusqu’à 3 000 000 Yuan (environ 360 000€).

d)      La détermination de délais officiels de traitement des demandes

La nouvelle loi a permis de clarifier la durée des procédures en matière de marques en Chine ce qui permet de donner une meilleure visibilité aux parties en cause.

–          Examen de la demande de marque : 9 mois à compter de la réception du dépôt ;
–          Recours contre une décision de rejet d’enregistrement : 9 mois (prolongeable de 3 mois soit 12 mois maximum) à partir de la date de réception de la demande par le CRVM.
–          Opposition : 12 mois (prolongeable de 6 mois soit 18 mois maximum) à compter de la fin de la période de publication du dépôt ;
–          Recours contre une décision d’opposition formé par le déposant : 12 mois (prolongeable de 6 mois soit 18 mois maximum) à compter de la réception de la demande.

2/ Une évolution considérable du statut des marques notoires

En accord avec les traits internationaux ratifiés par la Chine, en particulier la convention de Paris, la loi chinoise protège les marques notoirement connues.

L’Article 14 de la nouvelle loi chinoise sur les marques permet de clarifier d’une part, les facteurs à prendre en considération pour la reconnaissance du statut de marque notoire et d’autre part les instances auprès desquelles une telle reconnaissance peut être demandée.

Le statut de marque notoire n’est pas susceptible d’enregistrement mais la demande de sa reconnaissance est possible lorsqu’un litige existe avec une autre marque et ceci aussi bien auprès de l’Office des marques chinois que du TRAB  et de la Cour Suprême chinoise.

La demande de reconnaissance peut aussi être faite spontanément par le titulaire d’une marque auprès de l’Office des marques en dehors de tout contexte de litige.

Ainsi, dans la continuité de cette clarification et du processus de reconnaissance, une définition de la marque notoire a été donnée et une marque est donc considérée comme notoire si elle est reconnue par un public spécialisé en Chine et si elle jouit d’une certaine  réputation.

Un public spécialisé est constitué de consommateurs du produit ou service portant la marque, d’entités engagées dans la production dudit produit ou service, des distributeurs et employés impliqués dans sa distribution.

Pour obtenir le statut de « marque notoirement connue », voici les éléments qui seront pris en compte :

–          Le degré de connaissance de la marque par le public concerné,
–          L’usage de la marque et la durée de cet usage ainsi que le champ de protection de cette dernière à travers ses éventuels enregistrements à travers le monde,
–          Si la marque n’est pas enregistrée en Chine, il conviendra de prouver son usage ininterrompu pendant 5 ans*. En revanche, si la marque est enregistrée en Chine, les preuves à fournir devront faire état d’un usage pendant les 3 années* ayant suivi l’enregistrement ou d’une période ininterrompue de 5 ans
–          Le volume des ventes en Chine et à l’étranger
–          Preuves relatives à la publicité et la promotion de la marque, statistiques montrant le classement du demandeur dans son secteur d’industrie,
–          Preuves relatives à la reconnaissance du caractère notoire de la marque dans d’autres pays,

*les périodes de 3 et 5 ans mentionnées par la Loi font référence soit à la période précédant le dépôt de la marque litigieuse objet de l’action au cours de laquelle une demande de reconnaissance du statut notoire de la marque est introduite soit à la période précédant la demande de reconnaissance lorsque celle-ci est présentée en dehors de tout litige.

Les critères de reconnaissance de la notoriété d’une marque restent stricts aussi, rappelons-le, il demeure essentiel pour les titulaires de marques de se ménager constamment des preuves d’usage qui peuvent s’avérer très précieuses et influencer la tournure d’un litige.

Néanmoins, on ne peut que se réjouir d’une clarification législative sur la reconnaissance de la notoriété dont les tenants et les aboutissants restaient relativement flous.

Que doit-on retenir ?

La nouvelle loi a indéniablement clarifié l’obscurité qui pouvait régner uant au statut des marques et des litiges en Chine.

La législation répond à une véritable demande des titulaires légitimes de marques victimes depuis plusieurs années du phénomène de trademark-squatting lié vraisemblablement à l’engouement du peuple chinois pour l’Occident.

Nous avons encore trop peu de recul par rapport à la mise en application pratique de ces nouvelles dispositions mais ne pouvons qu’attendre une mise en œuvre qui répondra à nos attentes relatives à l’intérêt des titulaires légitimes de marques comme la Loi du 1er mai 2014 a commencé à le faire.

Espérons enfin que cette communication autour de ces dispositions et le durcissement de la position de la Chine vis-à-vis des contrefacteurs ait l’effet dissuasif escompté.

Florence CHAPIN, Conseil en propriété Industrielle  INLEX IP EXPERTISE BORDEAUX

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