Le monopole conféré par un droit de marque est délimité d’une part, par le signe que l’on dépose et d’autre part, par le libellé des activités qu’il couvre (via le choix d’un libellé spécifique regroupé au sein de différentes classes administratives). Ces deux points vont en effet permettre de cantonner le monopole du titulaire comme par exemple dans le domaine immobilier, il est impératif de déterminer le volume de la maison que l’on achète et la superficie du terrain sur lequel elle se situe… !
Compte tenu du principe de spécialité applicable en droit des marques, la question des produits et services à couvrir au sein d’un dépôt n’est donc pas simplement administrative puisqu’elle soulève des incidences juridiques de fond qui peuvent être lourdes de conséquences, notamment dans le cadre d’un litige.
Prenons l’exemple de la classe 35, les « services de vente au détail » définis comme « le regroupement pour le compte de tiers de produits divers (à l’exception de leur transport) permettant au consommateur de les voir et de les acheter commodément » peuvent être couverts par un dépôt de marque depuis le fameux arrêt Praktiker du 07/07/2005.
De prime abord, tout déposant de marque ayant une activité « dans le commerce » pourrait être tenté de couvrir ces services bien utiles lorsque l’on fait de la vente.
Mais cela est-il vraiment une bonne idée ou ne faut-il mieux pas couvrir spécifiquement les produits objets du service de vente ? Quelles en sont par ailleurs, les conséquences pratiques/juridiques ?
Tout d’abord, il est à noter que depuis l’arrêt Praktiker, il est acté qu’invoquer dans le cadre d’un litige les « services de vente au détail » sans précision des produits objets de cette vente n’est pas recevable.
Cela parait assez cohérent, en effet, pouvoir s’opposer à toute marque de produit en invoquant en attaque le simple fait que les « services de vente au détail » peuvent dans l’absolu inclure l’ensemble des dits produits, conduirait à consacrer un monopole bien trop large aux titulaires de marques couvrant ces services et, aurait par ailleurs pour conséquence de créer une forte insécurité pour les titulaires de marques visant des produits.
Dans cette hypothèse, l’OHMI considère donc assez logiquement que les services et produits n’ont pas la même nature, destination ou utilisation et, écarte l’existence d’un éventuel risque de confusion pour ce motif.
En revanche la réciproque ne s’applique pas !
L’OHMI considère, en effet, de manière constante que dans le cas où une marque visant des produits s’oppose à une marque désignant sans plus de précision les services de vente au détail, « le doute sur les produits réellement objets de ces services de vente bénéficie au titulaire de la marque de produits antérieure ».
Ce qu’il convient de retenir :
Si ma marque vise des services de vente au détail sans précision des produits objet de cette vente…je dois impérativement étudier la limitation adéquate du libellé à effectuer avant toute attaque de marque postérieure visant des produits…à défaut mon action risque d’être rejetée et, les coûts engendrés auront été initié à fond perdu !
Si ma marque vise uniquement des produits et, que je souhaite agir contre une marque visant les services de vente au détail, je dois néanmoins vérifier l’activité du déposant car ce dernier pourra limiter le libellé de sa marque à des produits spécifiques et, ainsi une fois encore si les dits produits ne sont pas identiques ou similaires à ceux visés par ma marque, l’action produira alors l’effet d’un coup d’épée dans l’eau !
D’une manière générale, il est important de définir une stratégie globale de dépôt en amont incluant une réflexion sur la formulation adéquate du libellé à adopter à la lumière des pratiques évolutives des Offices des marques .