La protection de l’aménagement d’un point de vente par le droit d’auteur

Afin de vous attirer dans leurs boutiques, les marocains vous diront « Entrez… Pour le plaisir des yeux ».

Effectivement, quoi de mieux qu’un point de vente attrayant pour créer chez le client l’envie d’y entrer ?

C’est pour cette raison que les enseignes, et notamment les franchises, ont tendance à capitaliser sur leur aménagement intérieur, réel outil de communication visuelle.

Devenant parfois iconique, cet aménagement peut-il faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur ?

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Dans un arrêt du 5 avril 2018, la Cour d’Appel de Douai a répondu positivement.

Dans cette affaire, le franchiseur du réseau de salons de coiffure SHAMPOO reprochait à son ancien franchisé de ne pas avoir apporté, alors-même qu’il avait rompu de manière unilatérale son contrat de franchise, de modifications dans l’aménagement intérieur de son salon, de sorte que celui-ci reprenait et exploitait les caractéristiques d’un point de vente du réseau.

Le franchiseur requérait que l’exploitation de cet aménagement soit qualifiée d’acte constitutif de contrefaçon, et pour ce faire, que cet aménagement soit considéré comme une œuvre de l’esprit au sens de l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, et plus précisément comme une œuvre d’architecture.

Rappelons que la qualification d’œuvre de l’esprit tient à la fois à son caractère original, mais également au fait que l’on puisse y retrouver l’empreinte de la personnalité de son auteur, étant entendu que ces critères doivent être justifiés par la Cour.

Celle-ci a donc procédé à une analyse minutieusement détaillée de l’aménagement du salon de coiffure du franchiseur (disposition du mobilier, positionnement du linéaire de distribution, espacements, matériaux, couleurs, photographies encadrées etc.) et en a conclu que « les éléments pris dans leur ensemble révèlent un travail de création, un parti pris esthétique, empreint de la personnalité de l’auteur, qui n’est pas dicté par des contraintes fonctionnelles et donne au salon de coiffure, une physionomie propre, différente de celle des salons d’enseignes concurrentes, et donc protégeable comme œuvre de l’esprit ».

Une première victoire qui s’est avérée toutefois inachevée puisque la Cour n’a pas caractérisé l’acte constitutif de contrefaçon. Pourquoi ? D’abord car les preuves apportées par le plaignant sont des photographies prises de l’extérieur du salon incriminé, « à travers une vitrine aux effets réfléchissants », ce qui semble à l’évidence insuffisant pour apprécier l’exploitation d’un aménagement intérieur. Ensuite car la Cour constate, sur ces photographies, plusieurs différences essentielles comme le retrait de la couleur caractéristique rouge, l’installation de fauteuils de couleur verte, et la substitution du logo « Shampoo » par le logo « 50 Nuances », tout cela n’étant pas assimilable à l’aménagement des salons SHAMPOO.

Conclusion : « Qui veut faire de grandes choses doit penser profondément aux détails » – Paul Valéry.

A retenir :

  • Plus il y aura d’éléments précis et concrets dans l’aménagement d’un point de vente (formes, espaces, lumières, couleurs, mobiliers, décoration, etc.), plus le parti pris et donc l’empreinte de la personnalité de son concepteur sera manifeste, ouvrant ainsi la possibilité à une protection par le droit d’auteur.

 

  • En tout état de cause, pour reproduire ou exploiter cet aménagement, il convient de s’assurer de détenir les droits pour ce faire, cela pouvant passer par la conclusion préalable d’un contrat de cession ou de licence des droits patrimoniaux.

 

  • Pour engager une action en contrefaçon, il convient de ne pas négliger les éléments de preuves Dans cette affaire, le franchiseur aurait certainement dû faire procéder à une saisie contrefaçon avec description détaillée, afin de présenter à la Cour des photographies de l’aménagement intérieur du salon.

 

  • En parallèle, il eut également été possible d’engager une action en concurrence déloyale ou parasitaire.

 

Joyce-Eva BEAUREPAIRE
Juriste Propriété Intellectuelle