Quelle protection pour les fragrances ?

On sait que les juges français sont extrêmement partagés sur la protection d’une fragrance, certains étant favorables à la protection par le droit d’auteur d’autres considérant que les fragrances ne sont pas des oeuvres de l’esprit susceptibles de bénéficier de cette protection.

Les juges de la Cour de Cassation ont eu récemment l’occasion une nouvelle fois de confirmer leur position refusant la protection par le droit d’auteur dans une affaire Senteur Mazal (en liquidation) / Beauté prestige international du 1 juillet 2008 (n° de pourvoi: 07-13952) en énonçant : « Attendu que pour retenir la contrefaçon de droits d’auteur dont la société BPI est titulaire sur le jus de toilette Jean-Paul Gaultier Le Mâle, l’arrêt retient qu’un parfum est susceptible de constituer une oeuvre de l’esprit au titre du livre 1er du code de la propriété intellectuelle dès lors que, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, il est original ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en oeuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des oeuvres de l’esprit, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » Compte tenu de la résistance des juges du fond et de la position contraire prise par d’autres juridictions suprêmes (néerlandaises notamment) l’on peut penser qu’il ne s’agit que d’un nouvel épisode de cette saga¦ Cet arrêt de la Cour de Cassation est aussi intéressant sur une question de protection de modèle : était en cause le modèle de flacon Le Mà¢le de Jean-Paul Gaultier.

Pour échapper à sa condamnation pour contrefaçon, Senteur Mazal soutenait que les juges d’appel auraient du prendre en compte le fait que le modèle d’un flacon sous la forme d’un buste sans bras existait antérieurement au dépôt de BPI et que l’analyse de la comparaison devait être faite en prenant en compte cet élément. La Cour de Cassation sanctionne effectivement les juges d’appel sur leur raisonnement :

– « qu’en statuant ainsi sans nullement rechercher ni établir que l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscitait chez l’observateur averti différait de celle produite par le flacon Shocking, la cour d’appel a privé sa décision de base légale »

– « qu’en l’espèce il ressort des termes de l’arrêt que si les flacons représentaient des bustes d’homme sans bras, ils différaient cependant par leur couleur, leur coupe, leur matériau ; qu’en se fondant néanmoins pour retenir l’existence d’une contrefaçon, sur le fait que les flacons représentaient tous deux des bustes d’hommes sans bras, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ».

Mais les juges de Cassation valide néanmoins le résultat final de l’arrêt d’appel en indiquant : « Mais attendu qu’ayant constaté par des motifs non critiqués que le flacon Le Mà¢le déposé auprès de l’INPI sous le n°942417 par la société BPI était nouveau et original, la cour d’appel a, par ces seules constatations, hors dénaturation, légalement justifié la validité de ce modèle au regard de l’article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction alors applicable ».

En clair, lorsque l’on est attaqué sur la base d’un modèle, l’on a intérêt à contester sa validité et chercher à obtenir sa nullité car, à défaut, les juges sont habilités à tirer les conséquences de l’existence du droit qui fonde la réclamation. L’on peut même se demander si ce raisonnement ne pourrait pas être appliqué aux marques ?

Il arrive en effet que l’INPI statue sur une opposition basée sur une marque antérieure verbale peu distinctive (mais enregistrée) en rejetant ladite opposition non par sur la base d’un manque de ressemblance globale mais en relevant le manque de distinctivité de la marque antérieure. Or, si l’on suit les juges de cassation, dès lors que le droit est jugé valable, il est normal d’en tirer les conséquences juridiques¦

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