ROME II : quelle loi applicable aux actes de concurrence déloyale ?

Le Règlement communautaire n° 864/2007 dit Rome II est entré en vigueur le 11 janvier dernier et vise à établir une méthode objective et harmonisée de détermination de la loi applicable en matière d’obligations non contractuelles.

En effet, en l’absence d’une telle harmonisation et compte tenu des divergences entre les législations et les pratiques des Etats membres, les parties pouvaient être amenées à porter le litige devant le tribunal appliquant celle qui leur est la plus favorable, pratique désignée par l’expression «forum shopping».

Reprenant la solution dégagée dans la plupart des Etats membres, le règlement retient comme règle générale, l’application de la loi du lieu où le dommage direct s’est produit. Existent ensuite un certain nombre de règles spécifiques pour les délits spéciaux les plus courants, tels que la responsabilité des produits défectueux, les atteintes à l’environnement, les atteintes à la concurrence etc.

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Ce règlement établit ainsi dans son article 6 une règle de conflit en matière de loi applicable aux actes de concurrence déloyale.

Cet article dispose dans son paragraphe 1 que « la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être ».

Ce principe posé, le second paragraphe de l’article vient préciser que « lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts économiques d’un concurrent déterminé, l’article 4 est applicable ». Ainsi, dans cette hypothèse, la loi applicable est celle du « pays où le dommage survient quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels les conséquences indirectes de ce fait surviennent ».

L’article 6 opère donc une distinction entre les actes affectant les intérêts collectifs et ceux affectant les intérêts d’une personne. Toutefois, le critère de rattachement est le même dans les deux hypothèses :

· La loi du marché pour les actes de concurrence déloyale affectant les intérêts collectifs. Autrement dit, la loi applicable est celle du pays où se situe le marché affecté par les actes de concurrence déloyale

· La loi du lieu du dommage pour les actes de concurrence affectant les intérêts économiques d’un seul concurrent.

Or, la loi du marché affecté correspond en pratique à la loi du dommage et inversement. Le critère de rattachement est donc le même dans les deux hypothèses considérées par le législateur communautaire. En effet, c’est bien sur le marché où il opère que le concurrent lésé ressentira le dommage.

Deux problématiques restent toutefois en suspend et sont par ailleurs susceptibles de faire obstacle à l’objectif d’harmonisation du droit international privé poursuivi par le règlement :

1. La définition des actes de concurrence déloyale.

Cette définition varie selon les Etats membres et pourrait donc impliquer des distorsions dans l’application du règlement.

En effet, pour aboutir à une véritable harmonisation des règles de conflit de loi en matière de concurrence déloyale, encore faut-il que cette notion fasse l’objet d’une définition universelle. La directive 29/2005/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs servira sans doute de référence à l’interprétation de la CJCE…

2. Quelle sera la loi applicable lorsque les territoires de plusieurs Etats seront affectés ou que le marché ne pourra être facilement localisé notamment dans l’hypothèse où les actes de concurrences déloyales sont intervenus sur l’Internet ?

Ces deux situations ne sont pas réglées par le règlement et devront par conséquent être solutionnées par la jurisprudence.

Pour les cas où les intérêts d’un seul concurrent seraient lésés, l’article 4 donne des pistes de réflexion en ce qu’il convient d’appliquer la loi du dommage sans tenir compte des marchés où se produisent les conséquences indirectes du dommage.

Toutefois, rien n’est prévu lorsque ce sont les intérêts collectifs qui sont lésés (hypothèse pourtant fréquente) et l’application d’une pluralité de lois semble donc inévitable.

Il faudra donc attendre l’interprétation des juges communautaires pour connaître la portée de l’harmonisation effectuée par le règlement Rome II.

{/gma}

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