La Coupe du Monde de Football va bientôt avoir lieu, pour le plus grand plaisir de tous… Et notamment des équipes marketing qui profitent de cet événement planétaire pour adapter leur politique publicitaire et promotionnelle.
Il reste que toute communication et toute publicité autour de cette manifestation est hautement réglementée et peut malheureusement s’avérer très risquée pour les entreprises qui auront pensé pouvoir s’attirer des clients en jouant sur leur passion pour le football – ce que l’on appelle le “marketing insidieux” ou l’”ambush marketing”.
Le “marketing insidieux” peut se définir comme la “tentative d’une entreprise de tirer profit de la notoriété ou de la popularité d’un événement précis en établissant un lien entre elle et l’événement en question, sans l’autorisation de l’organisation concernée et sans payer la redevance ouvrant droit au statut de sponsor officiel” – définition que l’on pourrait compléter par celle donnée par le CIO : “une tentative, organisée par un tiers, de s’associer directement ou indirectement aux Jeux Olympiques pour bénéficier de la reconnaissance et des avantages liés au statut de partenaire des Jeux Olympiques”.
Tous les organisateurs de compétitions sportives, et notamment la FIFA, se montrent très vigilants et très réactifs face au “marketing insidieux”.
Les exemples de réaction à des publicités ou des campagnes publicitaires relevant de ce type d’action marketing sont nombreux.
La FIFA a par exemple enjoint la compagnie aérienne sud-africaine Kulula Airways de cesser de diffuser sa publicité “insidieuse” lors de la dernière Coupe du Monde, organisée en Afrique du Sud en 2010. Cette compagnie avait lancé une campagne intitulée “Le transporteur national officieux de ce que vous savez” – on pouvait voir sur l’affiche un ballon de football et un joueur portant des chaussures à crampons.
La notion de “marketing insidieux” n’est pas un concept juridique, mais plutôt une pratique marketing – il s’agit donc d’un sujet très vaste, sur lequel la jurisprudence ne fait pas apparaître une convergence de décisions.
Les fondements d’une action sont divers :
1 – Certaines lois spécifiques ont été promulguées par les pays concernés où sont organisés les événements touchés par le phénomène. C’est ce qu’a fait l’Afrique du Sud – qui a accueilli la dernière Coupe du Monde – pour protéger la FIFA au maximum.
La loi Trade Practices Act de 1976 (modifiée en 2001), et plus précisément son alinéa 9(d), interdit: “en rapport avec un événement sponsorisé, de faire, publier ou afficher toute déclaration, communication ou publicité mensongère ou trompeuse représentant, impliquant ou suggérant l’existence d’un lien contractuel ou tout autre lien ou toute association entre [cette] personne et l’événement, ou la personne organisant l’événement, ou de faire faire, publier ou afficher une telle déclaration, communication ou publicité”.
Selon la FIFA, est interdit au titre de l’alinéa 9(d) de la susdite loi TOUTE utilisation des logos/marques de la FIFA. Le principe de spécialité des marques n’est pas applicable. La FIFA a donc élaboré une méthode permettant de combiner deux groupes de termes. C’est ainsi qu’a été interdite l’utilisation des termes “2010” ou “Deux mille dix” (“Twenty Ten”) ou “Coupe du Monde” (“World Cup”) en combinaison avec les termes “Football” ou “Soccer” ou toute image du football, de l’Afrique du Sud ou de la République d’Afrique du Sud (“RSA” ou “SA”) ou, pour les deux premiers, “Coupe du Monde” (“World Cup”) ou les images/logos de la coupe du monde.
La FIFA a même obtenu de l’Afrique du Sud une très large protection, le gouvernement ayant accepté de conférer à l’événement le statut d’ “événement protégé” et la même protection que celle qu’il accorde aux emblèmes nationaux. Pour cette même Coupe du Monde 2010, la FIFA a également obtenu de la Haute Juridiction Sud-Africaine une décision favorable concernant l’utilisation du signe “2010 pops”, avec un emballage comportant des références au football et des couleurs rappelant le drapeau sud-africain, par la société Metcash (North Gauteng High Court (Pretoria), 1er octobre 2009, FIFA contre Metcash Trading Africa Limited).
Il convient ici de souligner que la FIFA est très prompte à réagir, face aux actions des artisans du marketing insidieux et qu’elle a toujours bénéficié du soutien des gouvernements/Etats et de leur système judiciaire.
2 – En ce qui concerne la France, nous résumons ci-après les principes de la loi française auxquels la FIFA peut se référer pour empêcher toute campagne articulée autour d’un packaging “insidieux” ou toute utilisation d’un tel emballage :
– le Code de la Propriété Intellectuelle, pour ce qui concerne la violation de droits de propriété intellectuelle déposés ;
– l’Article L. 333-1 du Code du sport, qui stipule que : “Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives mentionnées à l’article L. 331-5, sont propriétaires du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’ils organisent. Toute fédération sportive peut céder aux sociétés sportives, à titre gratuit, la propriété de tout ou partie des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives organisées chaque saison sportive par la ligue professionnelle qu’elle a créée, dès lors que ces sociétés participent à ces compétitions ou manifestations sportives. La cession bénéficie alors à chacune de ces sociétés.”
La seule exception à ce principe correspond au cas où la référence à l’événement est nécessaire.
– l’Article 1382 du Code civil : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”
Le marketing insidieux peut être considéré comme un acte relevant du parasitisme.
Le “parasitisme économique” peut être défini comme un comportement visant pour son auteur à tirer un avantage indu de la notoriété des investissements effectués par une autre partie. La Cour d’appel de Paris l’a défini comme suit : “le fait qu’une personne, dans un but lucratif et sans raison justifiée, est attirée par une valeur économique générée par d’autres, ou imite cette valeur, laquelle procure un avantage concurrentiel, résultat d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’un investissement (…)”.
La Cour d’appel a également stipulé qu’un tel acte de parasitisme pouvait être avéré même en l’absence de concurrents (ce qui est le cas lorsqu’il y a une partie pratiquant un marketing insidieux et l’organisateur de la manifestation sportive).
Un tel comportement constitue une faute causant préjudice qui doit être réparée au titre de l’Article 1382 du Code civil. Appliqué au “marketing insidieux”, le but de l’entreprise est de faire croire au consommateur qu’elle a un lien avec l’événement.
Les tribunaux français ont par exemple décidé que l’utilisation d’une flamme et d’une médaille sur l’étiquette d’une bouteille de vin reproduisant les couleurs olympiques, sans utilisation des symboles protégés, constituait un acte de parasitisme (tribunal de Paris, 4 octobre 1996).
Pour conclure, et sachant que la Coupe de Monde de Football aura lieu bientôt, il est recommandé de bien sensibiliser les équipes marketing au risque qui consiste à promouvoir des produits/services à travers des références à cet événement.
Utiliser par exemple une illustration montrant un joueur de football portant un maillot qui ressemble à celui de l’équipe de football nationale peut poser problème, de même que le fait d’utiliser le drapeau national sur un emballage, sur des supports promotionnels, etc…