Les tribunaux ont pour habitude de considérer que les français sont de mauvais élèves et praticiens en langues étrangères et notamment en anglais.
Le TGI de Paris, dans son jugement du 22 novembre dernier, a dû se prononcer sur le caractère distinctif de la marque verbale composée de termes anglais « RENT A CAR » enregistrée en 1998 pour désigner différents types de voitures ainsi que les services de location de ces produits.
Ici les juges ont heureusement tenu compte du type de public concerné par les activités … pour apprécier le niveau d’anglais.
Dans un premier temps, ils ont confirmé que le nom RENT A CAR est une description basique des services couverts, composé du très compréhensible article usuel « a » et de « car » signifiant « voiture » qui est l’un des premiers mots appris à l’école.
De plus, même si tous les français ne comprennent pas le terme « rent », le public ici concerné est principalement composé de conducteurs qui voyagent à l’étranger et ont besoin d’une voiture depuis un aéroport ou une gare et que ce public a suffisamment de bases en langue anglaise pour comprendre la signification de « rent ».
Le fait aussi que certains concurrents sur le marché de la location de véhicules utilisent l’expression « rent a car » ou possèdent des marques incluant ces termes, a confirmé pour les juges que la marque n’était pas distinctive au moment de son dépôt.
Ceci n’implique pas ipso facto l’annulation de la marque puisque la question de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage a été étudiée et c’est sur ce point que se situe toute la difficulté : Comment prouver cette acquisition par l’usage lorsque la marque en cause est aussi le nom de la société et de ses points de vente.
La société RENT A CAR n’a pas manqué de fournir des témoignages crédibles confirmant l’augmentation du chiffre d’affaires sous la marque RENT A CAR, ainsi que ses investissements publicitaires importants.
Pourtant, les juges n’ont pas considéré ces éléments comme suffisants dans la mesure où ils seraient liés :
– au chiffre d’affaires de toutes les agences de location RENT A CAR et non à la marque elle-même
– à des dépenses publicitaires concernant possiblement d’autres marques de la société.
Ils prirent aussi en compte le fait que la marque utilisée le plus souvent était la forme semi-figurative :
Les juges ont aussi reconnu la particulière notoriété de RENT A CAR (pourtant avec seulement 11% de notoriété spontanée)… mais pour la société éponyme… pas pour la marque !
L’annulation de cette marque (qui fera probablement l’objet d’une procédure d’appel) doit mettre en lumière la réflexion stratégique et essentielle à avoir au moment du choix de sa marque.
Il est effectivement impératif d’avoir conscience des incidences liées au choix d’une marque qui correspond au nom de la société et mettre en place la politique de marque qui en découle.
En effet, il est plus qu’essentiel :
1) d’être capable de distinguer l’usage d’une part de la marque verbale, d’autre part de la marque semi-figurative incluant le nom et un logo, et enfin de la dénomination sociale…
2) de conserver des preuves de l’exploitation des différentes marques, tant pour conforter ses droits que, également, pour les maintenir vis-à-vis de l’obligation d’usage.
C’est bien sûr l’une des raisons qui militent pour la mise en place de process internes et l’écriture d’une véritable politique de marque, si l’on souhaite sécuriser l’entreprise et pérenniser son activité.
Charlotte URMAN – Conseil en Propriété Industrielle – Inlex IP Expertise