Bronzage sublime certes, mais gare aux marques !

ATTENTION AUX MARQUES DE BRONZAGE…MÊME SUBLIMES !

Par un jugement du 12 mai 2016, le tribunal de grande instance de Paris a annulé, pour défaut de caractère distinctif, la marque semi-figurative « BRONZAGE SUBLIME ».

En l’espèce, les sociétés JUVA et Laboratoire Juva Santé commercialisent depuis 2007 sous l’expression « bronzage sublime » un complément alimentaire, vendu sous forme de gélules, destiné à favoriser le bronzage.

La société JUVA a déposé le 15 avril 2014 auprès de l’INPI la marque « BRONZAGE SUBLIME », pour désigner des produits pharmaceutiques et autres préparations à usage médical ou vétérinaire ainsi que les denrées et compléments alimentaires, en classes 5, 29 et 30, sous la forme semi-figurative suivante :

 

  bronzage

 

 

Cette marque a été acceptée à l’enregistrement par l’INPI.

Parallèlement, alertées de l’utilisation par le Groupe Léa Nature de cette même expression sur le packaging de produits similaires, la société JUVA a assigné le Groupe Léa Nature devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.

En réplique, la société Groupe Léa Nature a contesté les revendications adverses et a sollicité l’annulation de la marque « BRONZAGE SUBLIME » pour défaut de caractère distinctif.

  • Absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque : la condition autonome de distinctivité

Le Tribunal rappelle tout d’abord que l’exigence de distinctivité de la marque, au sens l’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, englobe celle sa distinctivité intrinsèque ou autonome.

Ainsi, le signe doit être intrinsèquement apte à constituer une marque, c’est-à-dire à identifier l’origine commerciale des produits et/ou services visés.

Selon le Tribunal, le signe « BRONZAGE SUBLIME » a une fonction laudative, car il vante le mérite des effets des produits visés au dépôt. En clair, leur prise permet d’obtenir un bronzage parfait.

Dès lors, le signe « BRONZAGE SUBLIME » sera immédiatement perçu par le public pertinent comme un message publicitaire, et non comme une marque.

En outre, le Tribunal considère que la présence d’une bande de couleur orangée, placée en dessous

 

bronzage,

 

n’apporte rien à la distinctivité du signe.

Tout au plus celle-ci illustre-t-elle le sens des mots, en représentant le brunissement qu’entraine un bronzage par l’effet du soleil.

Ce jugement s’inscrit donc dans la lignée de la jurisprudence récente, selon laquelle l’ajout d’un élément figuratif à un élément verbal non-distinctif suffit rarement à rendre le signe enregistrable, pris dans son ensemble.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le tribunal a reconnu l’absence de distinctivité intrinsèque du signe « BRONZAGE SUBLIME ».

  • Appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage : nécessité d’un usage à titre de marque

Le Tribunal rappelle que l’acquisition du caractère distinctif par l’usage suppose que la dénomination en cause soit utilisée à titre de marque.

Or, en l’espèce, les juges ont considéré que l’origine commerciale des gélules bronzantes est déterminée uniquement par la marque « JUVAMINE », par opposition au message promotionnel « BRONZAGE SUBLIME ».

Le Tribunal estime donc que les éléments produits par la société JUVA ne permettent pas d’établir que la marque semi-figurative « BRONZAGE SUBLIME » a acquis un caractère distinctif par l’usage.

Pour conclure, le Tribunal prononce l’annulation de l’enregistrement de la marque « BRONZAGE SUBLIME » pour tous les produits visés au dépôt.

Dès lors, privée de droit sur sa marque, la demande de la société JUVA en contrefaçon n’est pas examinée.

Enfin, la société demanderesse est également déboutée de son action en concurrence déloyale, au motif, notamment, que la reprise de l’expression « BRONZAGE SUBLIME » par le Groupe Léa Nature ne peut être fautive car rapportée à des compléments alimentaires destinés à favoriser le bronzage, elle est éminemment banale…

 

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Quels enseignements peuvent être tirés de cette décision ?

 

En premier lieu, et contrairement à ce qui pourrait être communément pensé, il n’existe pas de bonne ou de mauvaise marque. En revanche, cette décision illustre bien qu’il existe des mauvaises gestions de marque.

En effet, adopter un signe peu ou pas distinctif à titre de marque est un choix que font de nombreuses entreprises.

L’intérêt majeur de telles marques est qu’elles parlent de façon non équivoque au public et, par la même, évitent d’importants efforts marketing, en particulier lors du lancement du produit ou du service.

Néanmoins, ce type de marque implique une gestion particulière. En ce sens, gérer une marque peu ou pas distinctive nécessite une certaine dose de finesse et de réflexion !

  • Choisir la bonne forme de dépôt

En matière de protection, déposer une telle marque sous forme verbale m’expose à une décision de refus de l’office, décision qu’il est toujours délicat d’inverser et qui, selon les offices, sera publiée.

Une décision de refus constituera donc une épine difficile à retirer pour continuer à construire une protection.

Effectuer un dépôt sous forme semi-figuratif peut être une option alternative, si tant est que le logo associé confère à mon signe un surcroit de distinctivité, car l’on sait qu’à date la seule adjonction d’un logo ne suffit plus à rendre le signe enregistrable.

  • Choisir le bon moment pour opposer sa marque

Par ailleurs, le moment choisi pour attaquer un signe identique ou proche doit faire l’objet d’une mûre réflexion en termes de timing !

Attaquer dans la foulée du dépôt, sans avoir construit a minima une certaine distinctivité autour du signe, m’expose à une décision négative.

Attaquer trop tard, en ayant toléré l’usage par des tiers de signes identiques ou proches, risque d’aboutir à la dilution de ma marque et donc également à une décision défavorable.

Il convient donc de choisir minutieusement le moment où mon signe aura pu acquérir un certain degré de distinctivité par l’usage et, par ailleurs cibler le « bon dossier » pour opposer mon droit.

-Veiller à faire un usage à titre de marque

Mais encore faut-il pouvoir justifier d’un usage à titre de marque…usage qui dans le cas d’espèce, s’apparentait davantage à un usage à titre promotionnel, quasi-systématiquement en association avec la marque ombrelle JUVAMINE…

Moralité, la question d’adopter une marque à forte ou faible distinctivité est déjà un vrai débat… l’exploiter à titre de marque et attaquer un tiers pour conforter un monopole en est un autre !

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Clara CELLIER – Inlex IP Expertise