Le 23 janvier dernier, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu une décision relative à la notion de « fonction de la marque ».
Sans soulever de principe nouveau, cette décision a le mérite de rappeler que la fonction d’une marque est d’indiquer l’origine du produit ou service sur lequel elle est apposée et qu’il convient d’apprécier la façon dont est représenté ce signe pour déterminer s’il s’agit ou non d’un usage à titre de marque.
En l’espèce, la société CARAVANE, spécialisée dans l’ameublement, est titulaire de marques éponymes désignant notamment les canapés. Ayant constaté que les sociétés Roche Bobois International et Roche Bobois groupe commercialisaient également des canapés sous le signe KARAWAN, elle les a assignées en contrefaçon de ses marques.
Après avoir vu cette demande accueillie en première instance et en appel, la société Roche Bobois International se pourvoit en cassation. A son sens, aucune contrefaçon de marque ne peut être admise puisque l’usage fait du signe KARAWAN n’est pas un usage à titre de marque. Il vise seulement à référencer les produits concernés, commercialisés sous la marque phare ROCHE BOBOIS. Aucune atteinte n’étant portée à la fonction d’indication d’origine de la marque CARAVANE, il ne peut y avoir contrefaçon.
La Cour de cassation ne partage pas cet avis. Elle estime au contraire que le mode de présentation du signe KARAWAN (présentation en grosses lettres, association immédiate des termes « canapés » et « karawan » sur Google, prééminence du terme KARAWAN sur des publicités en dehors des lieux de commercialisation dédiés à la marque ROCHE BOBOIS…) vise clairement à distinguer et individualiser les produits concernés auprès des consommateurs, au point même d’éclipser la marque ROCHE BOBOIS. Un tel usage ne permet pas d’assurer un simple référencement selon les juges. Au contraire, le signe KARAWAN ainsi exploité sert nécessairement d’indicateur d’origine auprès des consommateurs et remplit bien la fonction de la marque. Les signes KARAWAN et CARAVANE étant quasiment identiques, le pourvoi est rejeté.
Ainsi, lorsqu’une société adopte un signe pour référencer l’un de ses produits, il est essentiel de s’interroger, au préalable, sur l’exploitation concrète envisagée : s’il vise clairement à distinguer et identifier les produits auxquels il est associé, cet usage sera nécessairement perçu comme un usage à titre de marque et la vérification préalable de sa disponibilité s’imposera.
Audrey Dufrenoy – Conseil en Propriété Intellectuelle