A vos marques, prêts, partez. La rentrée 2023 donne le coup d’envoi d’une année où la France sera le centre du monde sportif. Un monde d’abord ovale avec la Coupe du monde de rugby 2023 puis pluridisciplinaires avec les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Le parrainage ou sponsoring est l’une des principales sources de financement des manifestations et compétitions sportives. Pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, il génère près d’1,1 milliards d’euros soit quasiment autant que la billetterie.
Le domaine du sport attire particulièrement les entreprises qui veulent s’associer à des valeurs positives (performance, fair-play, dépassement de soi, esprit d’équipe). Elles s’adressent aux Fédérations sportives investies en vertu de l’article L 333-1 du Code du sport, d’un droit d’exclusif d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’elles organisent englobant « toute forme d’activité économique ayant pour finalité de faire naître un profit et qui n’aurait pas d’existence si la manifestation sportive qui en est le prétexte ou le support nécessaire n’existait pas » (CA Paris, 14 octobre 2009, n°08/19179). Ces organisateurs sont également titulaires de marques aux libellés larges.
Il est essentiel pour les Fédérations sportives de garantir aux partenaires officiels, un usage paisible (exclusif ou non) des droits acquis via le contrat de sponsoring. Ces derniers ont pour objet « toute action de communication en vertu de laquelle un parrain s’engage contractuellement à accorder un soutien, financier ou autre, dans le but d’associer de façon positive son image, son identité, ses marques, ses produits ou ses services à l’événement, l’activité, l’organisation ou l’individu qu’il soutient » (Code de la chambre de commerce internationale sur le parrainage de 1992). De formes multiples, les contrats de sponsoring autorisent le parrain à associer son nom à l’évènement sportif, moyennant à titre principal une obligation de rémunération, destinée à financer la manifestation.
Le sponsoring se distingue de la publicité. L’objectif est de mettre en avant son image via celle d’une manifestation, d’une compétition, d’une équipe ou d’un sportif dans l’espoir de retombées en termes d’image, de notoriété et de ventes. Les Jeux de Paris 2024 comptent plus de 60 partenaires (partenaires mondiaux, premiums, officiels et supporters officiels).
Pour des raisons de prix et/ou d’accessibilité réduite au sponsoring (les Fédérations sportives raréfient l’image de leurs manifestations / compétitions), les autres entreprises marchent sur un fil pour bénéficier de l’image des événements sportifs majeurs sans tomber dans la concurrence déloyale ou le parasitisme.
- Définition de l’ambush marketing
Le marketing « sauvage » ou « d’embuscade » consiste à « s’associer à des événements sportifs ou culturel afin d’y associer son image tout en évitant de rétribuer les organisateurs et de devenir sponsors officiel » (CA Paris, 10 février 2012, n°10/23711). Plus récemment, la jurisprudence l’a défini comme « une stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d’associer son image commerciale à celle d’un événement et donc de profiter de l’impact médiatique du-dit événement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’événement » (CA Paris, 18 juin 2018, n°17/12912).
L’ambush marketing peut prendre plusieurs formes : sponsoriser un participant ; achat d’espaces publicitaires aux abords des enceintes sportives ; référence à l’événement par un jeu de suggestion ou d’associations d’idées ; message de soutien ; offre de produits liés à l’événement dans le cadre de concours…
L’organisateur de la manifestation sportive doit rapporter la preuve d’une :
Association non autorisée et abusive à l’univers de l’événement sportif (imitation de logo, de la charte graphique, de la mascotte, renvois implicites ou directs aux dates et lieux de l’événement ou encore références spécifiques au sport concerné). On peut citer les exemples suivants :
- Jaguar Land Rover, à l’occasion des JO de Londres, avait diffusé une campagne publicitaire laissant apparaître un véhicule à proximité d’une piste d’athlétisme avec une haie d’obstacle. Si le constructeur automobile n’a pas reproduit les propriétés olympiques, le texte promotionnel contenait de nombreuses références : slogan « Defender, le seul athlète qui sera plus performant à Londres en 2012 qu’en 1948» ; mentions « champion de l’épreuve de franchissement », « Londres 1948 » et « Londres 2012 » (TGI Nanterre, 27 mars 2014, n° 12/05318).
- Lancement d’une collection de polos « RIO 2016 » reproduisant les anneaux olympiques sur les boutons à l’approche immédiate des JO de Rio 2016.
D’une reprise illégitime et non fortuite. A titre d’exemple, des messages annonçant l’ouverture des JO sur les réseaux sociaux d’une banque, qui n’est pas « un média ayant vocation à diffuser une information d’intérêt général »,sont illégitimes (TGI Paris, 19 avril 2019 n°18/00264).
- Risques
Pour lutter contre les « ambushers », les Fédérations sportives peuvent se baser sur le droit commun (concurrence déloyale, parasitisme), leur droit sui generis ou l’action en contrefaçon.
Les entreprises mises en cause peuvent invoquer la liberté d’expression, la libre concurrence ou encore avancer que leur message avait un but informatif. Concernant ce dernier point, la jurisprudence stricte considère que le contexte commercial exclu l’usage au titre du droit à l’information (CA Paris, 21 janvier 2011, n°09/20261).
En pratique, force est de constater une protection importante face à l’ambush marketing. Les juridictions considèrent qu’il « suffit de caractériser, à la charge du parasite, l’intention de promouvoir sa propre activité commerciale en profitant gratuitement et sans risque, du fruit des efforts de toute nature et des investissements d’autrui » pour que le marketing d’embuscade soit qualifié (CA Paris, 14 octobre 2009, n° 08/19179). Les JO bénéficient d’une protection accrue eu égard à leur notoriété. De simples publications sur les réseaux sociaux peuvent entrainer des condamnations à des dommages-intérêts. SIXT a par exemple été condamné à verser 30 000 € au CNOSF pour deux publications sur Facebook et Twitter « C’est parti pour les #JeuxOlympiques ! #Jeux Olympiques #JO2018 #@JeuxOlympiques » (TGI Paris, 29/05/2020).
- Usages autorisés
En principe, l’ambush marketing n’est pas interdit, il est condamné lorsqu’il est abusif.
Exemples d’ambush marketing « légaux » :
Campagne « Countries Edition » d’Heineken présentant des drapeaux sur ces bouteilles à l’occasion de l’Euro 2016.
- La simple mention d’un résultat ne peut pas être sanctionnée, cela relève de la liberté d’expression. En ce sens, FIAT, qui avait fait paraître une publicité faisant référence à un match du tournoi des VI Nations dans un quotidien sportif, n’a pas été condamné pour concurrence déloyale et/ou parasitisme (CA de Paris CA Paris, 10 févr. 2012, n° 10/23711).
- La reprise de la couleur bleue de l’équipe de France, l’évocation de formes spécifiques au rugby et la mention « 2007 » sur des produits n’ont pas été entrainé de condamnation (CA Paris, 27 janvier 2010, n°07/17329).
Pour profiter de l’impact médiatique de l’événement, sans le parrainer, il ne faut pas reprendre les marques, symboles ou expressions qui y sont liées. De même, les formules « à l’occasion de [nom de l’événement] », « alors que [nom de l’événement] vient de débuter », « afin de célébrer [nom de l’événement sportif] », « c’est parti pour [nom de l’événement sportif] » sont à exclure. La reprise de mots tels que « officiel », « sponsor » ou « partenaire » est également à éviter.
La concomitance avec l’événement constitue également un indice. Des communications le jour de la cérémonie d’ouverture ou de clôture seront probablement considérées comme de l’ambush marketing.
Conclusion :
- Si communiquer sur les événements sportifs à venir est tentant, cela peut entrainer des condamnations au titre de la contrefaçon et/ou de l’ambush marketing ;
- Si vous considérez que le jeu en vaut la chandelle, ou plutôt la flamme olympique, il faut être vigilant avant de lancer toute communication/publicité tentant de surfer sur ces événements.
Paul Ancejo / Juriste en Propriété Industrielle, Audrey Dufrenoy / Conseil en Propriété Industrielle et Clément Birault / Juriste en Propriété Industrielle