L’appréciation du risque de confusion entre les signes tient désormais compte de leur valeur distinctive ou de leur notoriété comme critère de leur opposabilité.
Se pose donc la question du moment auquel caractère distinctif ou notoriété doivent être appréciés pour jouer un rôle déterminant dans l’élargissement du risque de confusion.
C’est l’usage du signe qui détermine son impact et il n’est plus question de considérer que toutes les marques enregistrées seraient uniformément ou suffisamment distinctives, ni de faire rétroagir au jour du dépôt une notoriété ou un caractère distinctif acquis par un usage postérieur. Dans une affaire « PARIS PREMIERE », la COUR DE CASSATION a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris « qui a exactement pris en considération la perception du public concerné au moment où le signe, dont il était prétendu qu’il porterait atteinte à cette marque, a commencé à faire l’objet d’une utilisation ».
C’est donc au moment du premier usage du signe argué de contrefaçon que s’appréciera l’acquisition du caractère distinctif ou de la notoriété ou de la renommée par la marque antérieure.
Cette solution est raisonnable et équitable car elle tient exactement compte du moment du trouble attaqué par le demandeur en contrefaçon qui ne se verra pas objecter la faiblesse initiale de son dépôt. De même le défendeur sera jugé en fonction de l’attractivité exacte de la marque antérieure au moment de son initiative.
Cette orientation s’inscrit enfin dans la perspective tracée par la CJCE dans l’affaire Levistrauss & Co c/Casucci Spa o๠il a été décidé que pour apprécier la dégénérescence invoquée par un supposé contrefacteur le juge devrait se placer au moment où le signe attaqué avait commencé à faire l’objet d’une utilisation , mais qu’il pourrait être tenu compte de ce qu’il était advenu du caractère distinctif de la marque antérieure du fait de son titulaire pour décider de sa radiation pour dégénérescence ou de son maintien .
Cet arrêt de la cour de Cassation complète ainsi le tableau des prises de dates des variations désormais possibles du caractère distinctif d’une marque, en précisant le moment o๠il doit avoir été acquis pour être opposable.
Le critère dégagé est pertinent et cohérent pour un litige portant sur un usage contrefaisant. Si la contrefaçon consistait en un simple dépôt, on devrait logiquement apprécier le caractère distinctif insuffisant ou la dégénérescence de la marque antérieure au jour dudit dépôt.
Appréciation Critique: Le titulaire du droit dont la distinctivité croît a tout lieu de se réjouir de pouvoir bénéficier d’un surplus de distinctivité, mais cette décision atteste qu’à ce jeu il n’y aura pas que des gagnants.
Il faudra en outre se rappeler que l’arrêt de la CJCE précité rendu en matière de dégénérescence prévoit que la déchéance résultant de la perte de caractère distinctif dûe au titulaire pourra être constatée à tout moment de la procédure et alors même que le second usager avait peut être contribué à la banalisation du signe antérieur. Il est plus à craindre d’avoir des variations de caractère distinctif à la baisse qu’à la hausse.
Même ayant bénéficié d’une forte distinctivité ou d’une renommée suffisante, les propriétaires de marques devront assumer toutes les obligations mises à leur charge par les textes nationaux ou communautaires pour faire respecter leurs droits et ne pas laisser leurs marques se banaliser. Pour ce faire, il leur faudra :
– surveiller sans relà¢che les registres, les marchés et le Web.
– forts de ces informations exercer sans faiblir les procédures administratives ou judiciaires, puisque seule cette façon de procéder leur évitera déconvenues voire dégénérescence,
– utiliser leur marque sans équivoque et massivement comme identifiant l’origine de leurs produits ou services pour ne pas concourir à sa banalisation.