Les décisions en matière de contrefaçon de marque sur les réseaux sociaux sont assez rares pour que nous nous attardions sur le récent jugement rendu par le TGI de Paris, le 28 novembre dernier, opposant un utilisateur de Facebook à la société Telfrance, titulaire de la marque « PLUS BELLE LA VIE ».
Dans cette affaire, la Tribunal a jugé que la reprise de la marque « PLUS BELLE LA VIE » pour une page Facebook publique dédiée à la série télé n’était pas constitutive de contrefaçon dès lors que ne peut être retenu l’usage de la marque dans le cadre de la vie des affaires, dans la mesure où l’internaute n’en faisait pas un usage professionnel ou commercial.
Les juges viennent ainsi de rendre pour la 1ère fois une décision en matière d’usage de usernames sur les réseaux sociaux et viennent préciser la notion d’usage dans la vie des affaire.
En effet, le développement du web 2.0 a fait apparaitre de nombreux conflits entre le droit des marques et les usernames sur les réseaux sociaux. L’usage de ces réseaux est donc risqué pour les titulaires de marque dans la mesure où leurs titres peuvent être utilisés, sans autorisation, sur des pages communautaires. De plus, la publication de commentaires, moteur de tout réseau social, peut s’avérer néfaste pour la réputation de la marque et les cas de parasitisme ou de dénigrement sont de plus en plus nombreux. Mais c’est surtout la possibilité offerte aux utilisateurs de créer librement, selon le principe du « premier arrivé, premier servi », des usernames sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube, Dailymotion) qui nuit à la marque puisqu’elle ouvre la voie à des reprises non autorisées.
Quels outils pour les titulaires de marque ?
La protection des marques sur les réseaux sociaux n’est pas toujours assurée efficacement par le recours au droit positif, et notamment par l’action en contrefaçon. En effet, les conditions de recevabilité de cette action sont de plus en plus restrictives depuis l’important arrêt Google de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 23 mars 2010 relative à l’usage des mots-clés (adwords), et particulièrement depuis cette récente décision du 28 novembre dernier qui en est une illustration.
Outre la protection du droit des marques par l’action en contrefaçon, les principes généraux de la responsabilité civile tels que l’action en concurrence déloyale et le parasitisme commercial trouvent également à s’appliquer. La faute consistera alors en une entrave aux usages loyaux pratiqués entre les concurrents par une imitation de la marque d’autrui afin de créer un risque de confusion dans l’esprit du public (agissement parasitaire, dénigrement, dévalorisation, atteinte à la réputation de la marque sur le web, la e-reputation).
Enfin, la loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011 a créé le délit d’usurpation d’identité numérique prévu à l’article 226-4-1 du Code Pénal. Le délit est caractérisé par toute utilisation de l’identité d’un tiers ou de données de nature pouvant l’identifier (adresse IP, e-mail, username) et qui porte atteinte à son honneur, sa réputation, sa considération.
Si le contentieux est quasi-inexistant en matière d’usage de marques sur les réseaux sociaux, c’est que la plupart de ces réseaux ont intégré dans leurs conditions générales d’utilisation de nombreuses stipulations interdisant toute atteinte au droit des marques : mise en place de réclamations en ligne, de dépôts de plainte ou encore de procédures de notification en cas de violation des droits de propriété intellectuelle (les dénominations sont différentes selon les réseaux). Néanmoins, l’ensemble des réseaux sociaux prend en considération très largement la liberté d’expression et la parodie, qui permettent à de nombreux utilisateurs de créer des comptes de parodies, de commentaires ou de fans.
Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que les réseaux sociaux, se caractérisant par une forte interactivité et solidarité entre leurs membres, conduisent nécessairement à proportionner sa réaction à l’impact qu’elle pourrait avoir afin d’éviter tout risque de « buzz négatif » sur les réseaux sociaux.
En conclusion, les atteintes aux marques sur les réseaux sociaux sont si nombreuses qu’il est indispensable de :
– cibler le fondement de son action pour éviter toute action mal placée. En effet les fondement d’action existent quand on arrive à démontrer soit une confusion sur l’origine des services, un dénigrement qui dépasse le simple avis ou encore une atteinte aux fonctions essentielles de la marque telles que définies par l’OHMI
– anticiper un potentiel buzz négatif
– mais également identifier les responsabilités des différents acteurs mis en cause : réseau social, utilisateur du compte, tiers postant des messages sur une page publique Facebook, etc. En pratique, l’identification des auteurs des contenus illicites est difficile, c’est pourquoi il convient de distinguer entre l’éditeur et l’hébergeur du contenu litigieux. Rappelons juste que l’hébergeur est soumis à un régime de responsabilité subsidiaire par l’article 6-I de la LCEN de 2004 s’il a « effectivement connaissance du caractère illicite ou de faits et de circonstances faisant apparaitre le caractère illicite » ou si, ayant eu connaissance de ce caractère illicite, il n’a pas agi promptement pour retirer les données ou en rendre l’accès impossible.