L’impact du logo pour différencier deux marques : le Match entre la Cour d’appel et l’INPI

En matière de dépôt de marque, une des questions récurrentes qui se pose est celle de l’intérêt de déposer une marque accompagnée d’un logo.

En effet, lorsque la marque convoitée est antériorisée dans sa partie verbale, l’ajout d’un élement figuratif est parfois suffisant pour dissiper le risque de confusion.

Cette stratégie de dépôt est cependant à manier avec prudence, lorsque l’on fait le bilan des décisions rendues par la Cour d’Appel contre les décisions du Directeur Général de l’INPI.

Dans la synthèse qui suit, vous allez découvrir quelques éléments clés à connaître pour éviter les faux pas au moment de vos dépôts.

Les juridictions ont largement tendance à considérer qu’en présence d’une marque contenant des élements verbaux et figuratifs, l’élément verbal a un impact plus important sur le consommateur que l’élement figuratif.

Cela est justifié par le fait que le public ne prend généralement pas le temps d’analyser une marque dans son ensemble et fera plus facilement référence aux produits en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque.

Néanmois, il existe des bémols à cette règle d’interprétation bien établie…

On se souviendra notamment de l’arrêt marquant de la CJUE en date du 20 septembre 2007 relatif à une opposition déposée par les restaurants QUICK (sur la base de leurs marques QUICK et QUICKIES…) à l’encontre de la marque communautaire  quickydéposée par la société NESTLE.

La Cour avait en effet annulé la décision du Tribunal de première instance des Communautés européennes en invoquant le fait que le tribunal s’était borné à comparer les élements verbaux en présence et n’avait donc pas apprécié la similitude visuelle des signes en cause en se fondant sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci.

La Cour souligne en effet dans cet arrêt que « ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similtude pourra se faire sur la base de l’élément dominant ».

En l’espèce le dessin de lapin, sans rapport avec l’élément verbal QUICKY ne pouvait décemment pas être négligé…

La règle selon laquelle l’élement verbal doit être d’emblée considéré comme élement dominant n’est donc pas gravée dans le marbre.

A noter qu’il existe des cas particuliers pour lesquels il parait assez normal qu’un logo puisse avoir un impact important.

On pensera notamment au cas des marques faiblement distinctives.

Ainsi, un arrêt de l’INPI en date 24 mai 2011  opposant les marques françaises

COMPAGNIE DES FROMAGER      et     COMPAGNIE DES FROMAGES

a considéré qu’en présence d’éléments verbaux faiblement distinctifs, le consommateur portera son attention sur les élements figuratifs. En l’espèce, l’INPI a ainsi considéré qu’au vu de ces élements graphiques différenciant, il n’existe pas de risque de confusion entre ces marques.

En dehors de ces cas particuliers, l’INPI est parfois frileux et peine à reconnaître l’importance que peut avoir un logo.

Il n’en est pas de même de la Cour d’appel qui n’hésite pas à aller à l’encontre des décisions de l’INPI.

Plusieurs décisions ces trois dernières années, ont en contradiction avec l’INPI, mis l’accent sur l’importance que pouvait revêtir un logo dans l’appréciation du risque de confusion et pouvait ainsi suffire à différencier deux marques.

Ainsi un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27 janvier 2012 opposant les marques  EDEN PARK et EDEN ART a considéré qu’en dépit de l’élément commun distinctif EDEN, la présence du nœud papillon et des différents éléments graphiques ne peuvent être considérés comme négligeables et a ainsi conclu en l’absence de risque de confusion entre les marques en présence.

De la même manière, un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 11 décembre 2012 opposant les marques PLANET et     PLANETE GOUT    a considéré que l’élément figuratif de grande taille est « immédiatemment perceptible et qu’il n’est ni négligeable ni secondaire dès lors que par sa taille et sa position, il domine l’élément verbal ».

La Cour d’appel de Paris a également considéré dans son arrêt du 31 mai 2013,  WAGRAM  / PAVILLON WAGRAM que l’élément figuratif dans lequel s’inscrivent les lettres W et S ne peut être tenu comme négligeable « du fait que ses caractéritiques particulières permettent de considérer que le consommateur ne le percevra pas comme un élement décoratif mais le conservera en mémoire, à l’instar de l’élément verbal ».

La Cour d’appel de Lyon est allée dans le même sens dans son arrêt du 23 décembre 2013,  EFIDIS / ELYTIS   en considérant que « l’élément figuratif de la marque MAISONS ELYTIS possède un caractère distinctif rappelant un élément d’architecture noble et participe à l’éviction du risque de confusion entre les deux signes en cause. En effet, si l’INPI soutient que cet élément figuratif n’altère pas le caractère dominant du terme ELYTIS, la Cour constate que cet élément confère au signe déposé une forte distinctivité au regard des services en présence ».

La Cour d’appel d’Aix en Provence a, quant à elle, considéré, dans un arrêt du 23 janvier 2014  JEAN PERRIN/ PERRIN  que « l’élément PERRIN commun aux deux marques est, en raison des autres élements (composant figuratifs) de celles-ci qui ont une importance certaine et permettent de bien les identifier de manière séparée, insuffisamment attractif et distinctif pour qu’un consommateur d’attention moyenne puisse sérieusement confondre ces marques, et croire que « Perrin Ravioli depuis 1948 une idée neuve de la tradition » est une simple déclinaison de « Jean Perrin » ».

Enfin, un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 mars 2014 FASHIONITAS /  FACINESHION  a considéré que « si les deux signes ont la même syllabe d’attaque FASH et FASC et la même finale ION, le signe complexe constesté présente un caractère graphique très distinctif car il reproduit le terme FASCINESHION sur cinq lignes superposées provoquant un effet graphique particulier, hypnotique, alors que le signe antérieur n’est constitué que d’une seule ligne ».

Que constate t-on? Dans ces décisions couvrant ces trois dernières années : la Cour d’appel n’hésite pas, en présence de logos ayant une forte identité graphique, à annuler les décisions de l’INPI afin de mettre en avant l’importance que peut revêtir un logo dans l’appréciation du risque de confusion.

Bien entendu, la présence d’un logo ne suffira pas toujours à écarter le risque de confusion.

On pense notamment au cas des logos renvoyant directement aux produits et services visés par la marque.

A titre d’exemple, l’INPI a considéré dans une décision du 7 août 2013 opposant les marques MONSIEUR BISCUIT et  BRIOCHES(les marques en question visant des produits alimentaires), que le consommateur de « produits alimentaires commercialisés en masse » dont « l’attention est moyenne » ne focalisera pas son attention sur l’élément figuratif descriptif mais sur la marque dans son ensemble seule à même de distinguer les produits en cause de ceux de ces concurrents »

On voit donc que ce type de logo faisant une référence directe aux produits et services visés n’aura qu’un très faible impact sur l’appréciation du risque de confusion au regard de son caractère faiblement distinctif.

En conclusion, l’ajout d’un logo n’est pas, dans tous les cas, la solution miracle pour vous différencier de marques antérieures, mais l’analyse de la jurisprudence de la Cour d’Appel fait ressortir des profils de marques pour lesquels l’ajout d’un logo est décisif.

Attention toutefois aux dépôts complexes, construits artificiellement, dans le seul but d’échapper aux antériorités, car le droit des marques impose un usage conforme à la marque déposée ou sous une forme non substantiellement différente (sur ce point http://www.pi-xoo.com/2013/11/28/astuces-pixoo-3-choisir-de-deposer-la-marque-avec-son-logo-plutot-quun-simple-depot-verbal/).

De la même manière, se limiter à un dépôt uniquement verbal pour étendre ses droits peut s’avérer abérrant lorsque le logo prend le pas sur l’élément verbal.

Ce ne sont pas NIKEet  MCDOqui nous diront le contraire…

Juliette ROBIN, Conseil en Propriété Industrielle, Co-fondatrice LexPerform, Rédactrice en chef de www.pi-xoo.com

Elodie ROCHOUX, Juriste Cabinet INLEX IP EXPERTISE

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