La saga « R10 » (« Ronaldhino 10 ») : après les prolongations… le score final !

Vous utilisez un signe dans la vie des affaires, à titre de marque, sans ne l’avoir jamais enregistré : pensez à l’identifier et à tenir à jour un portefeuille de TOUS vos signes exploités. Celui-ci a de la valeur et n’est pas à négliger surtout lorsqu’une cession est envisagée, en voici une bonne illustration :

 A l’heure où la coupe du monde bat son plein, le célèbre joueur brésilien Ronaldhino (Ronaldo de Assis Moreira) n’est pas sur le devant de la scène mais un récent arrêt du TPUE statut sur son signe distinctif « R10 » (R pour Ronaldhino et 10 pour son numéro de joueur sur le terrain), mettant ainsi un terme à une saga juridique qui oppose depuis plus de cinq ans la société Nike International Ltd à l’OHMI .

L’histoire commence en 2006 par une opposition formée par la société DL Sports & Marketing Ltda, devant l’OHMI, sur le fondement d’un risque de confusion existant entre la marque non enregistrée, ou le signe utilisé dans la vie des affaires, espagnols antérieurs « R10 » et la demande de marque communautaire identique « R10 » déposée par un particulier.
Au cours de la procédure d’opposition une cession des droits de la société DL Sports & Marketing Ltda, portant notamment sur le signe « R10 », intervient en faveur de la société Nike International Ltd.  Quelques mois plus tard, la procédure initiée par la société cédante est rejetée, faute d’avoir  prouvé, dans le délai imparti l’existence et la validité du droit antérieur invoqué.
La société Nike se prétendant cessionnaire et nouveau titulaire dudit droit engage un recours contre la décision de la division d’opposition. Le débat se concentre alors sur la convention de cession intervenue entre DL Sports & Marketing Ltda et Nike et les questions de savoir si :

– en application de cette dernière la société Nike est bien titulaire du droit invoqué à l’appui de l’opposition, et si
– celle-ci a suffisamment justifié de cette titularité pour être déclarée recevable à agir et recourir contre la décision de la division d’opposition.

Après plusieurs recours portés devant la Chambre de recours de l’OHMI (OHMI Chbre de Recours 21 janv 2009 aff. R551/2008-1), le TPUE (Trib. UE 24 nov. 2010, aff T-137-09 : http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&td=ALL&num=T-137/09%20RENV), la CJUE (CJUE 19 janv 2012 aff. C-53/11 P : http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?num=C-53/11&language=FR) puis finalement, sur renvoi, une nouvelle fois devant le TPUE, le recours de la société Nike a été déclaré irrecevable aux motifs que :

– la preuve d’une cession en sa faveur de la marque antérieure non enregistrée, ou signe utilisé dans la vie des affaires invoqué à l’appui de l’opposition, n’a pas été rapportée,
– le contrat produit comportant une liste précise et détaillée des treize demandes d’enregistrement du signe R10 et stipulant expressément que « à la lumière de ce qui précède, le cédant cède au cessionnaire et à ses ayants cause l’ensemble des droits, titres et intérêts relatifs aux marques précitées ainsi que le fonds de commerce représenté par ces marques, y compris les droits de common law et autres droits attachés auxdites marques ainsi que les prétentions, demandes et motifs de recours (que ce soit en droit ou en « equity ») », le TPUE a considéré que celui-ci ne concernait que la cession d’enregistrement et de demande de marques, à l’exclusion des marques non enregistrées dans la mesure où aucune clause ne mentionnait ces dernières ;
– en produisant cette convention, Nike n’a pas suffisamment justifié de sa qualité de titulaire du droit, et ce sans qu’il ne puisse être fait grief à la Chambre de recours de l’OHMI de ne pas l’avoir invité à justifier plus avant de sa titularité ; cette justification (entrant dans le champ d’une irrégularité absolue) étant exclusivement possible à la seule initiative de la partie requérante dans le délai du recours
(Trib. UE 12 juin 2014, aff T-137-09 RENV http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&td=ALL&num=T-137/09%20RENV)

 Ce qu’il est donc important de retenir à la lumière de cette  affaire :

– ne pas oublier le cas échéant de lister et faire un état de ses signes non enregistrés, utilisés dans la vie des affaires, pour désigner des produits et services car, bien que secondaires par rapport aux marques enregistrées, ils constituent des actifs valorisables et cessibles,

– être très attentif à la rédaction des conventions de cession en s’assurant qu’elle couvre l’ensemble des droits, titres et intérêts concernés, en prenant soin de nommer les signes non enregistrés exploités concernés et leurs détails (territoire d’exploitation etc…), afin que leur portée/validité ne soit pas soumise à interprétation,

bien réfléchir en amont à sa stratégie de réaction contre une marque gênante, en anticipant au regard du contexte et en choisissant le droit le plus pertinent sur lequel se fonder ; les débats ici ayant pu être évités si la marque avait par exemple été déposé en son temps,

bien étayer, dans le cadre d’un recours, ses fondements sans attendre d’y être invité par la juridiction saisie pour aller droit au but !

Karine ETIENNE, CPI, Co-Responsable du bureau de Marseille

Pour plus d’information, rendez-vous sur le site http://www.inlex.com/departements/nos-departements/

Laisser un commentaire