Nouveau coup dur pour la marque aux trois bandes d’Adidas. En effet, le Tribunal de l’Union européenne a récemment confirmé sa nullité pour défaut de distinctivité. Dans l’esprit des consommateurs, cette marque, exploitée depuis de nombreuses années, évoque évidemment l’équipementier allemand. Pour les juges européens, les preuves d’usage transmises n’ont pourtant pas suffi à démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif.
A la suite d’une action engagée par la société belge Shoe Branding Europe BVBA à l’encontre de la marque figurative constituée de trois bandes verticales noires sur fond blanc obtenue par Adidas en mai 2014 pour des produits en classe 25, l’EUIPO annule cette dernière pour défaut de caractère distinctif. Par son arrêt du 19 juin 2019, le Tribunal de l’UE confirme cette décision et rejette ainsi le recours introduit par Adidas.
Si cette décision parait sévère tant la marque d’Adidas semble être connue de tous, elle ne fait pourtant que confirmer la tendance actuelle selon laquelle rapporter la preuve de l‘usage d’une marque ne consiste pas en un exercice anodin, mais nécessite la fourniture d’informations concrètes, précises et chiffrées.
Contenu de la décision
La première branche du moyen porte sur l’admissibilité des éléments de preuve fournis. En effet, les nombreuses images transmises, présentant des vêtements, chaussures et sacs sur lesquels trois bandes blanches sont apposées, sont écartées par le Tribunal qui considère qu’elles montrent des signes différents de la marque en cause.
En réponse, Adidas invoque tout d’abord le fait que sa marque est une marque de motif dont les proportions et les dimensions ne sont pas figées, mais dépendent du produit sur lequel elle est apposée. Cet argument est balayé par le Tribunal : compte tenu de la représentation graphique et de la description (qui ne précise pas que des variations du signe sont possibles), la marque en cause ne peut être qu’une marque figurative ordinaire.
L’équipementier fait ensuite valoir la Loi des variantes autorisées selon laquelle l’usage d’une marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif est également considéré comme un usage de ladite marque. Encore faut-il que la distinctivité de la marque en cause ne fasse pas débat. Si le Tribunal fait preuve d’une certaine souplesse et admet que la preuve de l’usage de la marque sous des formes ne différant que par des variations négligeables globalement équivalentes à ladite forme est acceptable, il confirme la position de la Chambre de recours sur les images transmises.
En effet, la marque étant d’une extrême simplicité, ce que ne conteste pas la requérante, la moindre variation entraine nécessairement « une altération significative des caractéristiques de la marque ».
Dans la seconde branche du moyen, Adidas objecte ensuite une erreur d’appréciation quant à l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage. A son sens, tous les éléments de preuve doivent être appréciés globalement et indépendamment de la couleur, l’inclinaison ou encore la longueur des bandes. Dès lors qu’ils démontrent l’usage d’une « marque aux trois bandes parallèles équidistantes », ils devraient être admis.
Le Tribunal rappelle d’abord que, pour être pertinentes, les preuves transmises doivent notamment démontrer la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ou encore l’importance des investissements faits par sa titulaire pour la promouvoir. Ce n’est donc pas tant la quantité de preuves transmises (12 000 pages en l’espèce) que leur contenu qui compte.
Concernant plus particulièrement les données chiffrées transmises par Adidas, le Tribunal constate que seuls quelques études de marché portent véritablement sur la marque en cause. N’ayant été réalisées que dans 5 pays, elles ne sont toutefois pas suffisantes pour être extrapolées à tous les Etats membres. Adidas échoue ainsi à prouver l’usage de sa marque sur l’ensemble de l’UE.
Tendance jurisprudentielle actuelle
Le logo Adidas a été enregistré pour la première fois en 1949 et est continuellement exploité depuis. La présente décision apparait donc dure. A la lumière des décisions antérieures, elle s’inscrit pourtant dans la tendance actuelle.
En effet, l’EUIPO a récemment prononcé la déchéance de la marque BIG MAC de McDonald’s, cette dernière n’ayant pas été en mesure d’en prouver son usage réel et sérieux (décision d’annulation N°14788 du 11 janvier 2019).
Dans la même veine, la marque ZARA s’est vue annulée pour une partie de ses services en classes 39 et 42 au motif qu’elle n’était exploitée que par des franchisés et que cela ne constituait pas un usage public et vers l’extérieur ni donc un usage à titre de marque (arrêt du 9 septembre 2015, T-584/14).
Le juge français semble adopter une position toute aussi stricte puisque la déchéance des marques GRAND FRAIS, enregistrées pour des produits alimentaires, a été prononcée car elles n’étaient en réalité apposées sur aucun produit, mais seulement exploitées pour des services complémentaires, à savoir des services de distribution et promotion desdits produits (TGI Paris, 15 décembre 2017).
Aussi, qu’elle permette son maintien en vigueur ou l’acquisition de son caractère distinctif, la preuve de l’usage d’une marque doit désormais faire l’objet d’une extrême rigueur dans les données transmises : signe représenté, date et portée géographique des documents, données chiffrées… Rien ne doit rester imprécis.
Quant au cas d’espèce, Adidas a encore la possibilité de former un pourvoi devant la Cour Européenne de justice. Affaire à suivre…
Audrey Dufrenoy – Conseil en Propriété Intellectuelle