DANONE vs. DAGNIAUX : l’artisan glacier doublement privé de dessert

C’est en 2014 que la société Danone, déjà titulaire de deux marques « DANIO » depuis 2000, lance une gamme de yaourts sous ce nom, et dépose deux nouvelles marques représentant leur visuel.

Sur la base de sa dénomination sociale et de ses marques antérieures, la société Dagniaux, artisan glacier, engage alors une action en nullité et en contrefaçon à l’encontre de la société Danone.

Le tribunal rejette ses demandes, estimant que l’homophonie entre les termes dominants et distinctifs DANIO / DAGNIAUX ne suffit pas à démontrer un risque de confusion.

Il rappelle à cet effet que « le risque de confusion s’apprécie globalement en considération de l’impression d’ensemble produite par les marques compte tenu notamment du degré de similitude visuelle ou conceptuelle entre les signes, du degré de similitude entre les produits et de la connaissance de la marque sur le marché ».

En l’occurrence, l’impression d’ensemble des marques diffère en termes de police, orthographe, forme et couleurs, d’autant que le choix du consommateur sera orienté en fonction du visuel des produits.

Conceptuellement, les marques « DAGNIAUX » évoquent un nom patronymique et se rattachent à une histoire et une tradition familiale, tandis que « DANIO » évoque une déclinaison moderne et fantaisiste de Danone.

En outre, cette dernière introduit une action reconventionnelle en déchéance partielle des marques « DAGNIAUX » pour défaut d’usage des produits suivants : thé, café, et cacao. Le tribunal accueille sa demande, estimant que la simple mention de ces produits dans la composition des desserts glacés de l’artisan ne suffit pas à en prouver l’usage.

En parallèle des faits susmentionnés, et pour contrarier son adversaire, la société Dagniaux dépose la marque « DANAUNE ». La seule raison d’être de ce dépôt est en réalité de démontrer que si la marque « DANAUNE » gêne Danone, alors celui-ci doit comprendre que le dépôt « DANIO » gêne Dagniaux.

La multinationale engage donc une action en nullité pour dépôt frauduleux de marque qui, sans surprise, est accueillie par le tribunal, aux motifs suivants :

– La marque est détournée de sa fonction d’origine puisque Dagniaux n’avait pas l’intention de l’exploiter (le PDG l’avait lui-même confessé dans les médias) ;

– L’artisan glacier ne pouvait ignorer l’existence des droits antérieurs de Danone puisqu’il y était opposé dans le litige ci-dessus exposé ;

– Ce dépôt vise à priver Danone d’un signe ou d’une exploitation.

Six mois après ces jugements, la société Dagniaux a été placée en liquidation judiciaire, la procédure collective étant toujours en cours.

Ce qu’il faut retenir :

– L’homophonie des marques ne suffit pas à caractériser le risque de confusion, lequel se caractérise au regard de l’impression d’ensemble des signes ;

– Tous les éléments corroborant l’intention de nuire et la mauvaise foi sont pris en compte dans la caractérisation d’un dépôt frauduleux ;

– L’importance d’être bien accompagné :

o afin d’éviter une réaction malheureuse et tout retour de bâton ;

o l’issue de la décision aurait-elle pu être différente si par exemple Dagniaux avait eu un dépôt de marque verbale, ou s’il avait davantage appuyé sa demande au regard de sa dénomination sociale ?

 

Laura MOMAL et Joyce-Eva BEAUREPAIRE – Inlex IP Expertise