Les célèbres anneaux entrelacés représentant l’union des 5 continents et constituant l’identité visuelle de l’olympisme forment l’un des symboles les plus connus dans le monde.
Ce symbole, la mention Jeux Olympiques et ses traductions tout comme les nombreux accessoires tels que le drapeau, la devise, l’hymne, la flamme, les torches olympiques font partie des droits exclusifs appartenant au Comité international olympique (CIO). Ce dernier dispose d’ailleurs, de tout un arsenal juridique pour les défendre dont le traité de Nairobi de 1981 et certaines législations nationales.
A ce titre, l’article Premier dudit Traité impose à tout État partie au présent Traité « de refuser ou d’invalider l’enregistrement comme marque et d’interdire, par des mesures appropriées, l’utilisation comme marque ou autre signe, à des fins commerciales, de tout signe constitué par le symbole olympique ou contenant ce symbole, tel que défini dans la Charte du Comité international olympique, sauf avec l’autorisation du Comité international olympique ».
En droit français, c’est le Code du Sport qui régit les règles en la matière en son article L.141-5 : « I.-Le Comité national olympique et sportif français est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux.
Il est également dépositaire :
1° Des emblèmes, du drapeau, de la devise et du symbole olympiques ;
2° De l’hymne olympique ;
3° Du logo, de la mascotte, du slogan et des affiches des jeux Olympiques ;
4° Du millésime des éditions des jeux Olympiques « ville + année », de manière conjointe avec le Comité paralympique et sportif français ;
5° Des termes « Jeux Olympiques », « olympisme » et « olympiade » et du sigle « JO » ;
6° Des termes « olympique », « olympien » et « olympienne », sauf dans le langage commun pour un usage normal excluant toute utilisation de l’un d’entre eux à titre promotionnel ou commercial ou tout risque d’entraîner une confusion dans l’esprit du public avec le mouvement olympique.
II.- Le fait de déposer à titre de marque, de reproduire, d’imiter, d’apposer, de supprimer ou de modifier les emblèmes, devise, hymne, symbole et termes mentionnés au premier alinéa, sans l’autorisation du Comité national olympique et sportif français, est puni des peines prévues aux articles L. 716-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle ».
Ces différents mécanismes législatifs ainsi que la ferveur du CIO à défendre ses droits pourraient laisser penser que ces propriétés olympiques sont intouchables.
Que nenni ! Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’EUIPO, dans une décision du 28 mars 2019, vient de prononcer la déchéance partielle de la marque,
déposée par le CIO le 13 juillet 1998 en classes 1 à 45.
Cette décision amène à plusieurs interrogations :
Pourquoi déposer une marque lorsque l’on dispose de tels moyens défensifs et notamment d’effectuer un dépôt dans les 45 classes ?
Comment une marque aussi notoire a-t-elle pu être déchue ?
Tout commence en 2001, lorsque la société ERI Bancaire Luxembourg S.A. dépose auprès de l’EUIPO la marque verbale OLYMPIC BANKING SYSTEM et la marque semi-figurative en classes 35, 36 et 42.
En mars 2002, le CIO forme alors, opposition à l’encontre de ces demandes de marques sur la base de sa marque européenne déposée afin de pouvoir notamment octroyer des licences à ses partenaires.
On peut se demander à juste titre pourquoi le CIO n’avait-il pas invoqué le Traité de Nairobi pour empêcher l’usage ainsi que l’enregistrement des marques de la société ERI Bancaire Luxembourg.
En effet, et même si le CIO obtient le rejet de ces demandes de marque, la ERI Bancaire Luxembourg S.A. intente, reconventionnellement, une action à l’encontre de cette marque. Elle revendique, en effet, que le dépôt de la marque en cause pour toutes les classes de produits et services crée un monopole injustifié puisque toutes les classes visées ne sont pas exploitées.
Le CIO a donc soumis un nombre conséquent de preuves montrant une exploitation de la marque par lui-même ou par ses licenciés dûment habilités à l’utiliser et provenant essentiellement des évènements des Jeux Olympiques d’Athènes 2004, Turin 2006 et Beijing 2008.
A également été invoqué le fait que les marques constituées des anneaux Olympiques sont des marques bénéficiant d’une grande notoriété à travers le monde et de ce fait que le CIO a un intérêt légitime à enregistrer ses marques pour toutes les classes de produits et services.
Cependant, ce n’est pas ce que va retenir la division d’annulation de l’EUIPO, puisqu’après examen des preuves, elle estime que ces dernières ne permettent pas de prouver un usage pour tous les produits et services visés et prononce la déchéance partielle de la marque. Ainsi, la marque subit un sacré revers puisqu’elle est limitée aux seuls produits et services suivants : « coins (classe 14); stamps, books and posters (classe 16); organization of sports competitions, sales of tickets for sports events, providing information sports events (classe 41) et licensing of intellectual property (classe 42) ».
Ici encore et comme dans l’affaire McDO, le CIO se retrouve KO.
Excès de confiance ?
Même si cette décision paraît moins problématique dans la mesure où le CIO dispose toujours de nombreux moyens pour défendre ses droits, elle rappelle :
- qu’il serait bien illusoire de croire que le prestige et la renommée exemptent le titulaire de la maque de prouver son usage. La notoriété n’évite donc pas le danger de devenir un « arroseur arrosé » ;
- que demander l’enregistrement d’une marque pour les 45 classes sans aucune intention de l’utiliser concernant tous les produits et services spécifiés afin de s’octroyer un monopole est-il vraiment judicieux ? (Question préjudicielle Skykick du 6 juin 2018 : est-ce un acte de mauvaise foi ?)
C’est pourquoi, comme dans toute compétition sportive, le combat ne peut être gagné que si la préparation prime l’action.
Marie CHARLENT – Juriste en Propriété Industrielle – Inlex IP Expertise