Rappel sur les règles applicables et des allégations possibles portant sur une teneur réduite en sulfites, dans l’étiquetage[1] de vins et la publicité faite à leur égard au regard des dispositions réglementaires applicables au niveau de l’Union Européenne.
Aujourd’hui, nombre d’opérateurs dans le secteur du vin s’orientent sur une pratique plus raisonnée du sulfitage et intègrent moins ou pas de sulfites par rapport aux taux maximaux autorisés.
Rappelons toutefois qu’il n’existe en réalité jamais de vin sans sulfites. Les sulfites sont en effet présents naturellement dans le vin par un effet naturel, d’une part, les levures produisant des sulfites au cours du processus de fermentation alcoolique. Les sulfites sont, d’autre part, des additifs ajoutés à différentes étapes de la vinification pour jouer un rôle de conservateur et d’antioxydant dans le vin.
Depuis le 1er juillet 2007, le règlement (CE) 1924/2006 régit l’emploi d’allégations nutritionnelles et de santé utilisées dans l’étiquetage et la publicité des denrées alimentaires incluant la catégorie des boissons alcoolisées[2]. La mise en œuvre du règlement est assurée par les services de la DGCCRF sur le territoire français.
Les allégations nutritionnelles et de santé sont, en général, des mentions écrites mais peuvent également être des images ou symboles constituant ou non une marque ou un nom commercial valorisant les denrées alimentaires sur le plan nutritionnel ou de la santé et communiqués comme tel au consommateur quel que soit le support (étiquette, message publicitaire, etc…)
- Les allégations nutritionnelles sont définies comme un message qui affirme, suggère ou implique qu’une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques particulière. Elle vise ainsi à informer le consommateur de la teneur en énergie et/ou en nutriments d’un aliment : soit de manière factuelle, il s’agit alors d’une allégation relative à la valeur calorique ou à la teneur en nutriments (« riche en vitamine », « source de protéines », etc.) ; soit de matière comparative (« à teneur réduite en matières grasses », « allégé en », etc.).
- Une allégation de santé est un message ou toute autre représentation non obligatoire figurant sur l’étiquette ou dans la publicité d’un produit, qui suggère, indique de façon explicite ou implicite, l’existence d’un lien entre une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et la santé. A titre d’exemple : « Le calcium est nécessaire à une croissance et à un développement osseux normaux des enfants »
Dans ce cadre général, les boissons alcooliques représentent une catégorie spéciale de denrées alimentaires soumise à une régulation particulièrement stricte :
- L’usage d’allégations de santé est interdit pour les boissons titrant plus de 1,2% d’alcool en volume ;
- L’usage d’allégations nutritionnelles est permis si elles portent sur soit la faible teneur en alcool, soit sur la réduction de la teneur en alcool ou du contenu énergétique.
Soulignons qu’une période transitoire est prévue pour les produits portant une marque de fabrique ou un nom commercial existant avant le 1er janvier 2005 et qui ne sont pas conformes au présent règlement qui peuvent continuer à être commercialisés jusqu’au 19 janvier 2022.
Passé cette date, une mention type « sans sulfites ajoutés » présente un risque très important d’être considéré comme une allégation de santé prohibée au sens des dispositions du règlement (CE) 1924/2006. Son utilisation dans l’étiquetage des vins et la publicité présente donc un risque manifeste car elle suggère un effet sur la santé.
La jurisprudence en la matière est peu étoffée et aucune décision ne s’est prononcée sur l’application dudit règlement pour une marque postérieure à 2005 intégrant le terme « SULFITES » ou une mention équivalente (S02) en matière de boisson alcoolisée.
Pour autant, il ressort de la pratique de l’UE les éléments suivants :
- La notion d’« allégation de santé» vise non seulement une relation impliquant une amélioration de l’état de santé mais également toute relation qui implique l’absence ou la réduction des effets négatifs ou nocifs pour la santé ;
- Pour ne pas être qualifiée d’ « allégation de santé » une allégation concernant une boisson alcoolique doit être dépourvue de toute ambiguïté c’est-à-dire ne pas véhiculer un message implicite qui laisserait penser que le produit est «bon pour la santé[3]»
- Vigilance de mise pour les communications à titre commercial car c’est semble-t-il la publicité autour du produit et les communications inscrites sur l’emballage qui posent un problème plus que la marque du produit: étiquettes, supports de communication de ces produits. A titre d’exemple, une publicité sur Instagram de Brewdog a été interdite pour des allégations de santé implicites et trompeuses en juillet 2021
En conclusion, les allégations pour du vin du type « sans sulfites ajoutés » ou « pauvre en soufre » faisant référence à une absence ou réduction de la teneur en sulfites et donc au risque minoré d’effets négatifs liés aux sulfites, présentent donc de fortes chances d’être considérées comme interdites et répréhensibles par les services de la DGCCRF.
Marine MENY – Juriste en Droit de la Vigne et du Vin et en Propriété Industrielle – INLEX IP EXPERTISE
[1] L’«étiquetage» est défini au point j) de l’article 2, paragraphe 2, du règlement (UE) n o 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil. Aux termes de la définition, on entend par « “étiquetage” les mentions, indications, marques de fabrique ou de commerce, images ou signes se rapportant à une denrée alimentaire et figurant sur tout emballage, document, écriteau, étiquette, bague ou collerette accompagnant ou se référant à cette denrée alimentaire »
[2] Une allégation de santé peut figurer sur l’«étiquetage», qui ne désigne pas que l’étiquette, mais également toutes les informations destinées au consommateur à propos de la denrée alimentaire et qui accompagnent cette denrée ou s’y réfèrent. L’ «étiquetage» est destiné à informer le consommateur final, tandis que la «publicité» est utilisée par l’exploitant du secteur alimentaire pour promouvoir la vente de la denrée alimentaire
[3] i.e. en véhiculant un message qui peut être perçu positif pour la santé d’un consommateur, une allégation est de nature à encourager la consommation du vin et, en définitive, à accroître les risques inhérents à une consommation non modérée de toute boisson alcoolique pour la santé des consommateurs