Métavers, NFT : La course aux re dépôts

Chaque semaine, la presse fait écho d’une nouvelle incursion dans le métavers ou dans l’univers des NFT. Cette actualité se transcrit dans les dépôts auprès des Offices de propriété intellectuelle.

Définitions

Hier sujet de films de science-fiction comme Ready Player One, le métavers est aujourd’hui une réalité. Ce terme désigne des mondes virtuels, numériques, 3D et persistant au sein desquels les utilisateurs interagissent sous la forme d’avatar. Il existe deux catégories de métavers. La première regroupe des métavers fonctionnant grâce à la technologie blockchain permettant aux utilisateurs d’acquérir des parcelles numériques comme The Sandbox ou Decentraland. La seconde comprend des métavers à thème dans lesquels les interactions sont limitées par les créateurs (métavers sociaux ou vidéoludiques).

Si en 2020 et 2021 la pandémie de Covid 19 a trusté les entrées du dictionnaire, nous prédisons que le terme NFT ne tardera pas à leur voler la vedette. Un NFT (non fungible token, jeton non fongible) correspond à une unité de données ou jeton, stockée sur un registre numérique utilisant la technologie blockchain, certifiant qu’un actif virtuel est unique et non interchangeable. Les NFT ont introduit une notion de rareté dans l’univers numérique dans lequel régnait le « copier-coller ». En effet, les NFT permettent de garantir la propriété d’actifs virtuels.

Redéposer par prudence

De nombreux titulaires redéposent leur marque pour anticiper l’exploitation et la protection de leurs droits de propriété intellectuelle dans le métavers et l’univers des NFT. C’est notamment le cas de McDonald’s qui projette d’ouvrir un restaurant dans le métavers. L’affaire des « MetaBirkins NFTs » a déjà démontré que métavers et NFT ne seraient pas exempts de contrefaçons. En l’espèce, des versions numériques du sac Hermès ont été vendues sans l’autorisation du titulaire de droits. Il est d’autant plus prudent de redéposer sa marque qu’il existe un débat pour savoir si un libellé désignant des produits physiques suffit pour contester l’exploitation de produits virtuels, sous forme de NFT. En d’autres termes, un titulaire peut-il se baser sur sa marque pour contester une exploitation sous forme de NFT ou dans le métavers ? Les offices pourraient considérer que les NFT appartiennent à la classe 9 et qu’ils sont donc dissimilaires des produits d’autres classes. A l’inverse, ils pourraient considérer que faute de précision, les produits visés désignent aussi bien leur version physique que virtuelle. En l’état, aucun Office n’a statué sur la question de savoir si les libellés doivent être interprétés comme désignant des produits tant dans le monde réel que dans le métavers et si les produits de la classe 9 doivent être considérés comme complémentaires des produits des autres classes. Pour pallier cette incertitude et occuper le terrain, il est avisé de redéposer sa marque en révisant la rédaction de son libellé. Pour sécuriser une marque pour des biens et services virtuels, il semble que les classes 9, 35 et 41 doivent être désignées. Les marques de renommée peuvent préférer la protection étendue au-delà des produits et services désignés, garantie par l’article L 713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle.

Redéposer pour saisir des opportunités

Métavers et NFT n’ont pas offert des opportunités qu’aux nouveaux Pure Player comme Sorare qui commercialise des cartes de footballeur sous forme de NFT ou RTFKT, marque de mode virtuelle. Les intérêts pour les titulaires de marques de s’intéresser aux métavers et aux NFT sont nombreux. Métavers et NFT offrent des opportunités aux ayants droits pour accroître la fidélité à leur marque. Le monde du sport a bien saisi cet intérêt marketing. Ses acteurs rivalisent d’inventivité pour renforcer la relation club – fan. Le PSG, avec la contribution de l’artiste Ludo, a lancé des figurines virtuelles à collectionner. La NBA s’est associée à la société Dapper Labs pour commercialiser des clips vidéo de matchs de basketball, la vente de ces clips a rapporté 500 millions de dollars. Les NFT peuvent également être utilisés comme clés d’accès à des avantages. Penfolds a ainsi lancé une édition limitée de NFT liés à un baril de vin donnant accès à des privilèges tels que des dégustations et visites. Les métavers sont utilisés dans le cadre du « gaming marketing ». A titre d’exemple, Forever 21 a proposé un jeu permettant d’ouvrir sa boutique dans le métavers. Métavers et NFT offrent des possibilités de se démarquer, d’offrir une expérience client innovante. Il est aussi intéressant de redéposer sa marque pour anticiper une exploitation dans le métavers. L’ouverture de magasins dans les métavers permettra de vendre à la fois des articles virtuels, comme des objets de personnalisation d’avatars, et des articles livrés dans le monde réel à l’instar d’une plateforme de e-commerce. Les NFT ne correspondent pas qu’à des objets virtuels. Ils peuvent être associés à des produits du monde réel. Ils font alors office de certificat d’authenticité et d’outil de traçabilité. En ce sens, Alfa Romeo a annoncé équiper ses véhicules de NFT pour certifier le suivi de leur maintenance.

Que retenir :

Il n’est pas certain qu’une marque enregistrée pour des produits et/ou services du monde réel soit protégée pour l’exploitation des mêmes produits et/ou services dans le métavers, monde virtuel ou sous forme de NFT, jetons numériques uniques certifiés via la technologie blockchain.

Afin d’anticiper la protection de sa marque dans le métavers ou sous forme de NFT, il est prudent de procéder à un re dépôt pour désigner le pendant virtuel des produits et/ou services proposés dans le monde réel.

Redéposer sa marque pour des produits et/ou services virtuels est d’autant plus intéressant que métavers et NFT offrent de nombreuses possibilités pour augmenter la visibilité de sa marque.

 

Paul Ancejo – Juriste en Propriété Industrielle