ENTRE LES SYMBOLES ®, ™ OU ©, VOTRE CŒUR BALANCE ? UNE PETITE EXPLICATION S’IMPOSE !

Différents symboles des monopoles donnés par la propriété intellectuelle coexistent, encore faut-il les utiliser à bon escient. D’ailleurs est-il obligatoire, recommandé ou superflu de les utiliser ? Faut-il avoir une stratégie ?

Petit rappel, pour commencer, de la signification des symboles les plus répandus

« Registered Trademark », s’appose auprès d’une marque enregistrée, validée par l’Office de propriété industrielle

« Trademark » concerne les marques soit non déposées, soit déposées mais non encore enregistrées par l’Office ; il est retranscrit en France par « marque déposée » étant donné que sur notre territoire le simple usage n’est pas créateur de droit.

 « Copyright » s’applique pour les créations soumises au droit d’auteur. Il doit, en principe, être accompagné du nom du titulaire de l’œuvre et de l’indication de l’année de première publication.

Dans tous les cas, ces symboles ont pour but d’informer les tiers de l’existence d’un droit.

Il existe aussi, le symbole copyleft Copyleft  qui exprime, à l’inverse du ©, l’autorisation donnée par l’auteur d’exploiter et de modifier son œuvre (texte, logo, œuvre d’art pur, programme informatique, etc.) normalement protégée par le droit d’auteur. Il implique que toutes les œuvres dérivées de cette œuvre première soient soumises aux mêmes libertés que l’originale et héritent donc du statut de copyleft. Il s’agit en d’autres termes de l’expression d’une forme de licence libre sur la création concernée (dans le même esprit que les systèmes de logiciel libre, qui peuvent prévoir certaines restrictions au cas par cas).

Faut-il des précautions pour les utiliser ?

Les symboles de l’existence de droits de PI sont des informations communiquées au public et leur utilisation peut à ce titre être jugée comme une pratique illégale, car trompeuse, si elle n’est pas véridique et faite dans les règles de l’art.

# De nombreux Offices des marques, au moment de l’examen du dépôt, vont émettre des objections et refuser à l’enregistrement des marques qui incluent d’ores et déjà dans le signe déposé la mention du ® (ce qui est somme toute logique puisque par nature la marque est déposée et non encore enregistrée !). Si ce type d’objection est le plus souvent surmontable, la soumission d’une réponse à l’Office est obligatoire et engendre des frais supplémentaires.

# En Allemagne, l’usage du ® sans une marque enregistrée (nationale allemande ou européenne) sera considéré comme trompeur et condamnable sur la base des dispositions en matière de concurrence déloyale («unfair competition»).

# Certains pays ont prévu des démarches administratives spécifiques pour l’obtention d’un droit d’auteur, alors qu’il nait de la simple création originale en France. Il est probable que l’apposition du © dans ces pays nécessite la validation préalable de la demande de copyright.

# En Chine, l’utilisation du symbole ® peut même être considérée comme illégale (contrefaçon) lorsqu’il accompagne une marque non déposée en Chine, refusée à l’enregistrement, annulée, déchue ou non renouvelée. C’est également le cas s’il est apposé auprès d’un signe régulièrement enregistré à titre de marque mais pour des activités (produits/services) qui vont au-delà de celles effectivement couvertes par le droit ou auprès d’un signe modifié par rapport à celui qui est protégé (si cela en altère le caractère distinctif). L’usage combiné de 2 marques nécessite également l’apposition de 2 ®, … un auprès de chaque signe enregistré…

Lorsque l’on exporte vers la Chine, il est donc important de s’assurer, si le packaging porte la mention ® près de la marque, que celle-ci est bien effectivement enregistrée en Chine sous cette forme et pour le produit en question !

Inconvénients ou avantages ?

L’intérêt de l’utilisation de ces symboles varie en fonction des territoires où vous exploitez vos droits.

En effet, en France, elle n’est pas obligatoire. La reconnaissance d’un droit de marque n’est pas conditionnée par l’apposition du ™ou du ® selon les cas, dès lors que l’on se situe en France et dans les pays qui ont ratifié la Convention d’Union de Paris (20/03/1883). Cet accord dispose même expressément dans son article 5 : « Aucun signe ou mention du brevet, du modèle d’utilité, de l’enregistrement de la marque de fabrique ou de commerce, ou du dépôt du dessin ou modèle industriel ne sera exigé sur le produit pour la reconnaissance du droit ».

La perception n’est pas nécessairement la même à l’étranger. Aux Etats-Unis par exemple, la loi américaine prévoit que sans utilisation du ® aucun dommage & intérêt ne pourra être obtenu dans une action en contrefaçon, à moins que le défendeur n’ait eu connaissance de l’enregistrement (ce qu’il faut encore parvenir à démontrer). Dans un écosystème où l’on cherche souvent à épurer la communication et les packagings, on peut alors rechercher des solutions de substitution à l’utilisation systématique du ® en fonction de ce qui peut être considéré par les juges comme une notification effective de l’existence d’un droit de marque d’après la jurisprudence américaine.

A notre avis, il faut donc surtout organiser une bonne articulation, particulièrement lorsque les activités donnent lieu à exportation, entre les différents services de l’entreprise, en particulier entre celui qui doit prévoir l’impression de documentations ou d’emballages et en gérer les stocks et celui qui est en capacité de confirmer le statut du droit : est-ce un droit d’auteur qui implique un ©, la marque est-elle déposée ou enregistrée dans le pays d’importation, l’entreprise a-t-elle un copyright local ?

Une fois les process mis en place, une bonne utilisation de ces symboles présente de multiples avantages et intérêts juridiques :

# Alerter sur l’existence d’un droit et dissuader les potentiels contrefacteurs

# Dans le cas d’une marque faiblement distinctive (dont la nullité ou la dégénérescence pourrait être demandée sur ce grief), affirmer que le signe est considéré comme une marque et non un signe banal ou usuel et justifier que le titulaire a ainsi pris des mesures pour valoriser et défendre sa marque

# Quand il s’agit de prouver la forclusion par tolérance ou l’usage d’une marque (par exemple dans le cadre d’une action en déchéance pour défaut d’exploitation), les juges sont particulièrement sensibles à la façon dont la marque est présentée au public concerné et le simple fait de visualiser le ® peut être impactant. Cela est d’autant plus vrai quand il s’agit de distinguer l’usage à titre de dénomination sociale ou d’enseigne et l’exploitation de la marque éponyme

# Valoriser vis-à-vis des licenciés ou futurs licenciés le fait que le signe bénéficie d’une protection et leur imposer dans la charte graphique l’indication de cette protection pour la renforcer encore davantage

Il nous semble que l’essentiel n’est pas d’utiliser ces symboles sur tout ou partie des supports ou de ne pas les utiliser. Ce qui est majeur est avant tout à notre avis de se poser les bonnes questions et de décider en connaissance de cause et en fonction de son propre contexte : par exemple : est-ce que ma marque est faiblement ou fortement distinctive ? à quels pays mes produits sont-ils destinés ? quelles preuves de mon usage pourrais-je fournir si nécessaire et sont-elles suffisantes ?

D’ailleurs, avoir un œil sur la façon dont ses concurrents ou parties adverses dans un litige usent de ce genre de symbole peut être également malin car si la mention n’est pas conforme (ex. ® apposé près d’une marque non déposée ou exploitée sous une forme modifiée) cela peut être un bon moyen à soulever !

N’hésitez pas à faire appel à nos experts pour vous conseiller, en fonction du contexte et de la territorialité de votre projet.

Charlotte URMAN- Conseil en Propriété Intellectuelle / Henri CANTIN – Conseil en Propriété Intellectuelle