Marque Antérieure VS Nom de Domaine Antérieur. Qui est le mieux armé pour venir à bout d’une marque postérieure ?

Depuis l’entrée en vigueur de la loi PACTE, on aurait pu croire à un renforcement du nom de domaine. De là à en faire un concurrent sérieux pour la marque ?

En effet, l’article L 711-3 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que ne peut être valablement enregistrée et si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle, une marque portant atteinte à un nom de domaine antérieur dont la portée n’est pas seulement locale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Il est donc possible de fonder une opposition / une action en nullité sur un nom de domaine antérieur.

Pour mettre à l’épreuve le nom de domaine opposons le à un dépôt de marque postérieur.

I. La mauvaise garde du nom de domaine

A. L’exploitation effective, un entrainement indispensable pour le nom de domaine

Le nom de domaine étant un signe d’usage, il n’est protégé qu’en vertu de son exploitation effective dans la vie des affaires, indépendamment de la date de sa réservation. Il faut donc rapporter des pièces datées « de nature à prouver l’exploitation réelle et effective du nom de domaine ». Ce n’est pas que la réservation qui doit être antérieure mais bien l’exploitation. Présenter une fiche whois est insuffisant puisque cela ne permet pas d’identifier la date à laquelle le site a effectivement été créé et rendu accessible aux consommateurs. Il convient donc de présenter des captures écran datées sur lesquelles on peut identifier l’activité du titulaire. Des pages exposant la possibilité de demander à être contacté, de solliciter un devis, de télécharger un dossier ou d’ajouter des articles au panier rempliront cette première condition. La jurisprudence a eu l’occasion de préciser que le site doit être en Français et que les prix doivent être indiqués en € pour prouver une exploitation du site en France.

B. Le talon d’Achille du nom de domaine : la preuve d’une portée non seulement locale

La portée non seulement locale d’un nom de domaine s’apprécie au plan géographique mais aussi au plan économique. Il faut que le signe soit « effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires ». Il convient de rapporter des éléments sur la fréquentation effective du site par des clients potentiels, des partenaires et/ou des concurrents et sur la situation géographique des visiteurs. L’appréciation de l’INPI est stricte. Selon son interprétation, en réalité, il convient de démontrer que le nom de domaine a une portée nationale. Une implantation régionale est insuffisante. Le demandeur doit démontrer que de nombreuses personnes, réparties dans toute la France, ont visité le site Internet et ont commandé des produits ou demandé des prestations de services par l’intermédiaire du site.

Cette interprétation extensive de la jurisprudence condamne le nom de domaine au statut de poids plume. Il ressort des décisions qu’il est difficile de prouver qu’un nom de domaine n’a pas seulement une portée locale. Pas de victoire par K.O pour le nom de domaine donc…

II. Jouer la grosse côte en misant quand même sur le nom de domaine ?

En théorie, un nom de domaine antérieur peut terrasser une marque postérieure. La réalité de l’arène révèle qu’une marque antérieure a plus de chances de parvenir à mettre au tapis une marque postérieure. Le nom de domaine offre un minimum de protection mais pas une garantie d’exclusivité.

Toutefois, certains paramètres favorisent la réservation d’un nom de domaine :

  • Volonté d’utiliser un signe non distinctif (et donc non enregistrable en tant que marque)
  • Présence nationale
  • Domaine d’activité (un site de e-commerce pourra plus facilement prouver que sa portée n’est pas seulement locale que le site d’un traiteur dont les services sont généralement locaux)

Si on privilégie la réservation d’un nom de domaine à un dépôt de marque, il faut se préparer à devoir réagir à une marque postérieure sur le terrain de la concurrence déloyale. Les économies réalisées ab initio risquent d’être vite perdues dans la constitution de preuves d’usage (constat d’huissier) et dans des frais de procédure supérieurs à ceux des actions administratives ouvertes devant l’INPI.

Pour les entreprises dont le rayonnement est local, régional, la réservation d’un nom de domaine n’est pas très sécure. Pour les dénominations non distinctives, il demeure possible de déposer sous une forme complexe incluant des éléments figuratifs significatifs.

 

Paul ANCEJO – Juriste en Propriété Industrielle & Clotilde PIEDNOËL – Conseil en Propriété Industrielle