La DGCCRF veille scrupuleusement au respect de la conformité des dispositions réglementaires concernant les pratiques œnologiques, les appellations des produits vitivinicoles et l’utilisation des mentions réglementées.
Ainsi le bilan d’activité globale de 2020 de la DGCCRF[1] relève les chiffres suivants : 94 000 établissements contrôlés dont 15 300 établissements contrôlés sur le respect des règles de traçabilité des produits alimentaires ou non alimentaires, 20 700 sites internet contrôlés, 30700 lettres d’avertissement, 4100 dossiers pénaux et 1400 amendes administratives pour un montant de 16 millions d’euros.
Dans le cadre de ces contrôles, un exploitant viticole peut faire l’objet d’un procès-verbal concernant l’utilisation de plusieurs noms de château pour une seule exploitation vitivinicole.
En effet, un certain nombre de viticulteurs ou exploitants rencontrent la problématique de la pluralité de noms de Château sur une même exploitation dans la mesure où l’exploitation était, soit historiquement connue sous plusieurs noms de Château soit, a fait l’objet d’un regroupement d’exploitations.
Le décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 relatif à l’étiquetage et à la traçabilité des produits vitivinicoles et à certaines pratiques œnologiques a défini les règles applicables.
Il a posé le principe selon lequel, en matière de cumul de termes réglementés, une exploitation vitivinicole peut bénéficier d’un seul terme réglementé comme Château, Clos, Domaine, Mas (liste non-exhaustive).
A défaut, l’utilisation de plusieurs noms de Château peut être qualifiée de pratique commerciale trompeuse.
La formule à retenir est donc :
1 exploitation vitivinicole = 1 nom de château (terme réglementé)
Or, une exploitation vitivinicole est définie comme une entité déterminée regroupant des parcelles, des bâtiments et d’autres équipements viticoles. Elle doit également disposer, pour la vinification, d’une cuverie individualisée ou identifiée au sein d’une cave coopérative de vinification dont elle fait partie.
Par ailleurs, ledit décret détermine deux situations où le cumul de noms de Château est exceptionnellement autorisé.
Article 8 :
« En cas de création d’une nouvelle exploitation viticole par réunion de plusieurs exploitations viticoles (…), le nom de chaque exploitation, précédé par un des termes réglementés sous lequel tout ou partie de la production a été antérieurement mise en marché, peut continuer à être utilisé.
Dans ce cas, les raisins sont vinifiés :
a) Soit dans chacune des anciennes exploitations viticoles ;
b) Soit séparément dans les bâtiments de l’une d’elles ou dans les bâtiments propres à l’exploitation résultant du regroupement.
Pour les vins issus de la nouvelle exploitation telle que définie ci-dessus, l’emploi du nom des anciennes exploitations ainsi regroupées exclut l’utilisation d’un nouveau nom de ladite exploitation.
En pratique, l’exploitant peut :
- soit continuer à utiliser les dénominations CHATEAU A et CHATEAU B pour sa nouvelle exploitation s’il vinifie séparément les raisins provenant de chaque exploitation,
- soit utiliser uniquement la dénomination CHATEAU A ou CHATEAU B pour l’ensemble des exploitations regroupés si l’AOP ou l’IGP est identique et, si les raisins proviennent exclusivement des propriétés réunies.
Enfin, il a la possibilité d’utiliser un nouveau nom comme CHATEAU C pour l’ensemble (donc à la place de CHATEAU A et CHATEAU B) mais il doit alors renoncer aux noms CHATEAU A et CHATEAU B.
Article 9 :
Les exploitations viticoles qui ont acquis leur notoriété sous deux noms différents avant le 7 janvier 1983 peuvent continuer à utiliser ces noms.
Concrètement CHATEAU A et CHATEAU B, dont les vins sont commercialisés sous ces noms avant le 7 janvier 1983 peuvent poursuivre leur cohabitation.
Cependant une question semblait rester en suspens concernant la réunion d’exploitations dont le bâti n’était pas transmis dans le cadre dudit regroupement.
Un récent arrêt du Conseil d’Etat[2] est venu répondre à la problématique suivante :
Est-ce qu’un exploitant est autorisé à conserver le nom de Château de l’une des exploitations acquises dès lors que les bâtiments et équipements viticoles n’ont pas été cédés avec les vignes ?
En l’espèce, la société du Château Reillanne s’est vue contrainte de se mettre en conformité avec la réglementation en modifiant l’étiquetage de ses bouteilles de vin par la suppression des mentions “Château du Haut Rayol ” et “Château Marouine “.
La société a demandé l’annulation de cette décision auprès du Tribunal administratif et a obtenu gain de cause.
Cependant la Cour d’appel administrative a annulé ce jugement. Elle a considéré que la société Château Reillanne, qui avait pris à bail les parcelles constituant les deux vignobles produisant respectivement les vins nommés « Mas du Haut-Rayol » et « Château Marouine », ne pouvait continuer à exploiter ces deux noms car cette reprise ne comprenait pas le transfert de bâtiments et équipements des exploitations en cause.
Elle a, en effet, considéré que si les bâtiments et les équipements pris en bail n’étaient pas transmis lors de la réunion d’exploitations, le cumul de noms de Château n’était pas envisageable.
Le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt, et a affirmé qu’une réunion d’exploitations n’exigeait pas nécessairement la reprise, par l’entité nouvelle, des bâtiments et équipements des anciennes exploitations pour bénéficier de la reprise du nom de Château.
Pour retenir cette position, le Conseil d’Etat a en effet considéré que pour bénéficier de plusieurs noms de Château, suite à une réunion d’exploitations, il faut que ces dernières répondent à la définition d’exploitation vitivinicole au jour du regroupement.
Par voie de conséquence, si les deux exploitations faisant l’objet du regroupement ont des bâtiments et équipements viticoles « en activité » à la date de la réunion, le cumul est envisageable et peu importe que les bâtiments soient ou non transmis.
Cette décision est donc venue éclaircir une zone d’ombre jusqu’ici et, qui donnait lieu à des décisions des autorités ayant des conséquences notamment financières non négligeables.
Le nom respect des règles en la matière constituant une pratique commerciale trompeuse et pouvant, par ailleurs, aboutir à la nullité de la marque. L’exploitation viticole pouvant être dans ce cadre amenée à modifier l’ensemble des étiquettes du produit dont le nom était contesté ou à détruire ses produits, ce qui pouvait s’avérer très couteux. Les textes prévoient à toutes fins utiles une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende de 300 000 euros….
L’usage de plusieurs noms de Château est donc souvent un sujet délicat et, potentiellement risqué si les règles imposées tant par les textes que par la jurisprudence ne sont pas respectées.
Nos experts en droit vitivinicole du département Lexwine restent à votre disposition pour vous accompagner et, vous assister dans la sécurisation de vos activités vitivinicoles.
Mélissa QUERON – Juriste en Droit de la Vigne et du Vin et en Propriété Industrielle / Céline BAILLET – Conseil en Propriété Industrielle
[1] Bilan d’activité 2020 DGCCRF concerne tous les domaines confondus non uniquement la filière viticole. Il faut également prendre en compte la période de pandémie qui s’illustre avec une baisse des contrôles physiques. https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/dgccrf/rapports_activite/2020/resultats-dgccrf-2020.pdf
[2] Conseil d’Etat 16 avril 2021 n° 434131